AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


Pour ça, oui, tu voulais être parfaite. Une lubie qui t’a coûté bonbon alors même que tu savais qu’elle ne vivait plus. Être parfaite et calfeutrer l’être des bottines à la tête. Que rien n’émane de ton corps tout en faisant que rien n’y entre, un mur entre le chagrin commun et les révoltes individuelles. Ne pas réaliser donc. Pas encore. Et franchir la distance jusqu’à la porte d’entrée derrière laquelle se massent les plus proches. Il faut avouer que l’exercice d’apnée débuta bien là. Tu passais ensuite les trois heures à happer l’air comme si des branchies s’étaient lovées en lieu et place des ganglions de ta gorge. Tu souris à ta cousine, l’embrasses et fais semblant de prendre sa peine. Tu prends sur toi, déjà. Un mot à chacun et s’asseoir pour inspirer sans prêter attention. Ta mère fait signe d’entrer avec elle dans la pièce réservée à l’exposition du cadavre, avec son air autoritaire et ses lèvres pincées. Pitié pour elle ce jour, figure à mettre sur le compte de la tristesse. Trop tôt. C’est non d’un regard, en corps immobile, ancré au plus intime de la chaise, tortue. Demeurer posée et imaginer l’ampleur de la coulée de plomb que tu vas avaler et qui marquera. Tu portes la casquette gavroche grise à petits pois dorés, si petits qu’ils se perdent dans la trame du tissu. Il fallait obstruer la sortie supérieure. Ressembler au capitaine McWhirr menant son vapeur au travers du typhon sans ciller et parler, monologue de lui vers toi. Toutes les réponses ne sont pas dans les livres, le courage non plus. Voilà pourquoi tu dois entrer et regarder le corps sans âme de celle qui fut ta tante, le substitut maternel, la cuisinière à forte poitrine et à franches rigolades, le caractère égal et joyeux, le molleton des chagrins. Tu y pensais sans arrêt sur ton île, en te serinant qu’il fallait appeler, appeler, venir la voir. Les jours passent et à la trentaine il faut consolider sa propre existence. Le temps est compté pour chacun. Tu regrettes. (Marie Van Moere)
Commenter  J’apprécie          00









{* *}