Eyoub ou Eyüp, un site chargé d’une longue histoire, lieu de sépulture pour les chrétiens et les musulmans, situé sur les rives de la Corne d’or qui se jette dans le Bosphore à Istanbul, Constantinople avant 1930.
Constantinople, théâtre d’une rencontre qui bouleversera le destin d’Aram, un Arménien d’origine russe qui débarqua dans cette ville après la première guerre mondiale, venant d’une Crimée déchirée après avoir déjà fui une première fois sa terre natale arménienne.
A la mort de son père Armen, Alexis décide de remonter le passé familial aux multiples ombres et interdits. Très affecté par la disparition de son géniteur, il est troublé lors des obsèques par l’apparition d’une femme âgée, inconnue et qui est éplorée. C’est alors un nouveau départ dans les souvenirs, les confessions de fin de vie, les photos et un mystérieux petit carnet. Arrêter le temps pour le remonter jusqu’en 1914 sur les hauts plateaux désertiques de la province de Shirak dans le Caucase. Et ainsi, partir pour une chevauchée incroyable – d’autant plus que le père d’Aram, le grand-père d'Alexis, était marchand de chevaux – à travers une histoire personnelle mais qui relie des décennies d’évènements entre Orient et Occident, de guerres en génocide, de déchirements en retrouvailles. Des rives du Bosphore aux canaux de Venise c’est aussi le récit d’un amour aussi beau que tragique, celui d’Aram et de Gayané, un amour né dans une librairie avec les vers de Victor Hugo.
Victor Hugo, justement, emblème de ces auteurs du XIX° siècle qui enivraient de descriptions à l’infini, maniant le verbe et la verve avec un don pour conter et tenir en haleine le lecteur au fur et à mesure de l’exploration mystérieuse des pages à tourner. Ce que Philippe Khatchadourian fait.
Tout commence doucement, presque sans parfum particulier, comme un entracte avant que le rideau se lève franchement sur une scène de l’univers où chaque phrase lue correspond à des pas posés sur un sol inconnu mais devenant presque familier. Puis, progressivement, on ne sait plus qui on est, on est juste dans un domaine où les âmes nous parlent entre les larmes de sang d’une diaspora et l’immortalité des racines humaines.
Qui n’a pas dans ses proches aïeux des mystères à éclaircir, des racines à retrouver, des non-dits à éclairer ? Ce récit touchera toutes les personnes qui aimeraient retrouver un peu de sens dans ces dédales de l’existence. Et puis, comment ne pas s’émouvoir de cet amour incroyable entre Aram et Gayané ! Une tragédie à la russe mais un ballet de somptuosité amoureuse entre deux cœurs se contractant puis se dilatant dans une symbiose inexplicable.
Après les longs silences, c’est le murmure de l’immortalité qui jaillit de ces cyprès, des effluves d’encens pour ces arbres du souvenir et un homme apaisé pour qui son nom n’est plus un étranger mais au contraire la branche d’une filiation reconstituée. Magnifique !
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