Le 23 novembre 1946 un grand monsieur glabre, revêtu d’une ravissante robe rouge agrémentée de lapin blanc m’annonça assez sèchement que j’étais condamné à mort.
C’était déplaisant, mais c’était sérieux. Très sérieux. Je ne connais rien de plus sérieux que des canons de fusil convenablement orientés.
Cinq mois plus tard, un petit monsieur glabre — mais sans robe, celui-là — vint m’informer dans ma cellule que, tout bien réfléchi, la République ferait l’économie de ses douze balles et que ma peine était commuée en travaux forcés à perpétuité.
C’était plaisant. Mais ça n’était pas sérieux. Plus sérieux du tout. Avec cette « grâce », on retombait lourdement dans les fariboles. Le langage de mes tourmenteurs avait cessé d’être plausible. Je pouvais croire à la réalité du peloton d’exécution. Je ne pouvais pas croire à ma « perpétuité » : à moins d’endosser la bure à un âge très avancé, on finit bien par sortir du bagne. Et généralement, lorsqu’on en sort, on ne dégouline pas de miséricorde.
(Après le déluge).