Partons à notre tour, sans esprit préconçu, sur la mer des histoires, à la recherche du temps passé ...
La maison d'autrefois, comme elle était humaine ! Aujourd'hui les pauvres et les ouvriers sont entassés dans les faubourgs ou exilés dans la banlieue ; mais les riches aussi demeurent parqués dans leurs immeubles des quartiers neufs.
Il n'en était pas de même jadis.
Le boutiquier logeait dans l'attique basse ou sous les cintres des maisons, dont on touchait le plafond avec la main ; le propriétaire habitait le vaste appartement du premier, boisé, à cheminées de marbre et aux fenêtres hautes ; les locataires occupaient le second ou le troisième étage, et sous les combles mansardées demeuraient les petites gens.
Dans l'escalier on se rencontrait. On ne s'ignorait pas comme aujourd'hui ...
Les prisons du Châtelet se trouvaient dans la grosse tour carrée entourée de cours intérieures. Chacune avait son nom.
Le geôlier en était l'administrateur et faisait payer à ses locataires un loyer tarifié par jour et par nuit.
Les prisonniers demeuraient donc logés suivant leur état, le motif de leur emprisonnement, ou l'ordre du juge. La nourriture était apportée à leurs dépens. On comptait au Châtelet quatorze prisons.
Dans la première catégorie, on peut placer "les chaînes", "Beauvoir", "la Mote", "la Salle", "Barbarie" et "Gloriette". C'étaient là les "honnestes prisons", où les détenus vivaient en commun, payant le droit de leur place et de leur lit. Si le détenu faisait venir un lit de chez lui, il ne payait que la place...
(extrait de "Les clients du Châtelet ou la pègre de Paris", quatrième chapitre du volume paru aux éditions "Calmann-Lévy" en 1934)
Une étroite venelle que les gamins franchissent d'un saut, un corridor sombre où se pressent des souvenirs, une ruelle peu accessible aux voitures, un asile pour les artisans et les jours de pluie, un canal où la rêverie flotte comme à Venise, c'est la rue Visconti que les gens du Paris nouveau ne hantent pas ...
J'ai encore vu, dans ma jeunesse, ces déménagements journaliers sur la charrette à bras, matin et soir. Le bouquiniste arrivait entre neuf et dix heures, poussant dans la voiture les boîtes cadenassées qu'il alignait sur le parapet.
Puis il se rendait chez les libraires, offrant les meilleurs livres, déjeunait chez le troquet et revenait vers une heure ouvrir ses boîtes.
Parmi elles se trouvait alors la boîte à deux sous.
Ce ne fut qu'assez récemment que furent installées à demeure les boîtes doublées de zinc, avec couvercle et barres de fer les rattachant par des crampons à la pierre du parapet ...
L'année 1471 n’a été racontée par aucun chroniqueur. Quelques digressions de Commynes, quelques pages du Journal de Jean de Roye, plus connu sous le nom de Chronique Scandaleuse, dont voici un exemple : « Depuis le dit moys de juillet jusques au jour de Noël ensuivant, ne fut riens fait oudit royaume de France... »
C'est cette année vide, celle de la réunion d'Amiens au domaine, que je vais raconter. Vous y verrez le roi Louis dans sa quarante-septième année, si différent de sa légende romantique que j'ose encore timidement le présenter. C'est un paysan de France, un terrien, madré, ami de la paix et pieux à Notre Dame. Vous l'y verrez au travail, à la guerre, à la chasse, près des siens. Un éternel pèlerin passe sur les routes de France, au milieu des gens qui comme lui peinent et besognent. Voici ce calendrier que j'ai peint de simples et fraîches couleurs.
Tout y est vrai. L’invention n’est pas la règle du jeu de l’Histoire ; mais l’imagination est sa lumière.
Pierre Champion
Il est triste d'être déclin d'un âge pour les uns et veille d'une naissance pour les autres. Et c'est à ce temps, pris non pour ce qu'il continue - bien ou mal - ou pour ce qu'il annonce - au vrai ou dans l'apparence - mais seulement pour ce qu'il est, que Pierre et Honoré Champion indissociables dans leur volonté commune, consacrent en ce XX° siècle commençant une collection vite prestigieuse, la Bibliothèque du XV° siècle.
(Préface de Jean Favier).
J'ai cherché, en relisant les documents, et une fois de plus les instruments diplomatiques, à préciser ma pensée au sujet de Louis XI, à détruire de stupides et tenaces légendes. Mon jugement n'a pas cependant varié. Plus je vais, plus j'estime que nous devons tenir peu de compte des chroniqueurs, toujours nous en rapporter aux lettres du roi, aux ordonnances, aux informations des ambassadeurs qui sont à la base de cette histoire.
Elle pourra surprendre. Je voudrais surtout qu'elle instruisit, fit réfléchir sur des problèmes toujours en question, et d'une singulière actualité.
Puisse le public, qui m'a suivi avec une sympathie qui me confond, trouver ici, autant que le portrait du roi que j'ai donné jadis, à petites touches, une synthèse plus large d'un problème français, médité avec une passion soutenue par le seul amour du pays et de la vérité.
(Préface de Pierre Champion).