Pierre Charron

La Sagesse, grand succès intellectuel et philosophique du Grand Siècle, pensée malmenée par les jésuites qui voit là l'œuvre d'un athéiste alors que l'auteur est croyant, est certainement l'œuvre maîtresse du penseur libertin érudit Pierre Charron et deviendra le "bréviaire de la libre-pensée". Foncièrement montanien, Charron a souvent été classé comme disciple commentateur de Montaigne alors qu'il développe une pensée singulière et autonome : s'il pose souvent les mêmes questions que Montaigne, il n'utilise pas les mêmes moyens pour y répondre.



A partir de lui-même, Charron, précurseur du doute méthodique, cherche, dans cette œuvre traversée par le stoïcisme, l'épicurisme et le scepticisme, à théoriser l'homme, sa définition et ses déterminations, non pas selon une vision platonicienne ou scolastique, transcendante, mais pour une sagesse immanente : il y développe une éthique de la construction de soi.



Pas d'homme idéal ni de considérations immatérielles, Pierre Charron, résolument fidéiste, pense l'homme depuis la réalité et imagine quelle morale immanente on peut établir, soucieuse ni de Dieu ni de dogme religieux. Cette quête philosophique s'engage dans tous les recoins de l'homme, cherchant à saisir le clair comme l'obscur, avec moult détails et selon une pensée foisonnante et luxuriante parfois difficile à suivre pour un esprit de notre temps. Charron explore tout, le matériel comme le sensible, tente de tout interroger, certitudes mais surtout incertitudes, interpelle la raison comme ce qui s'oppose à la raison. Ainsi il bâtit l'intuition qu'on peut identifier Dieu, la nature et la raison. Déterministe, il déduit que l'homme naît naturellement bon, déculpabilise la sexualité du laïc (mais affirme le bien fondé du vœu de chasteté des religieux) et aborde également la liberté comme consentement à la nécessité, débouchant, après acceptation de tout ce que l'on est, à la joie.



Pierre Charron, prêtre catholique, fait ici œuvre de laïcité en séparant la pensée philosophique du religieux, la morale du dogme, et en extirpant la connaissance hors de la foi. Son influence sera majeure tout au long de son siècle et celui d'après.
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