Jean Claude Moscovici :
Voyage à PitchipoïA l'American Center à Paris,
Olivier BARROT présente le livre "
Voyage à Pitchipoï." de
Jean Claude MOSCOVICI qui raconte trois années de son
enfance en France pendant l'Occupation,
récit qui "dépasse l'
horreur simple".
On parlait souvent d'un endroit où nous irions peut-être après Drancy, qui s'appelait Pitchipoï. Peut-être y retrouverions-nous nos parents ? C'était un lieu mystérieux où certains étaient déjà partis, mais dont personne ne semblait avoir de nouvelles. C'était à la fois la promesse de la liberté et l'angoisse de l'inconnu [...]. On était toujours un peu en partance pour Pitchipoï.
"La vie en fleur,
"La vie
Dans tout ce qu'elle a
De gracieux et de pur,
De tendre et de frais,
Doit être préservée
Avec amour,
Pour que l'espoir demeure
Au fond du cœur de l'homme..
Le poéte l'a dit : Préservez -nous........"
" ... plus tard seulement , je sus qu'il revenait de ce lieu que nous appelions Pitchipoï , et dont le véritable nom était Auschwits-Birkenau . Et bien plus tard encore , il nous raconta ... "
"Avec ce fréquent sentiment de culpabilité qu'ont les enfants atteints par la maladie, je suppliais de ne pas retourner au camp. Lorsque j'avais conscience de ne pas avoir été sage ou d'avoir été désobéissant, j'adressais aussi à mon entourage la même supplication, en y associant toujours ma soeur : "Nous ne voulons plus retourner au camp, jamais plus... nous ne recommencerons pas" Mais les souvenirs qui lui étaeint rattachés s'imposaient souvent."
" Cet avantage fut la raison vraisemblable de l'arrivée des gendarmes en ce lieu, et de la réquisition de son directeur comme exécutant de leur propre mission. "
Birkenau, que ma mère nous traduisit approximativement par un "endroit où poussent des bouleaux", Birkenau, joli nom dont la résonance bucolique semblait en faire un lieu de séjour rassurant.
À tous les enfants assassinés pour être venus au monde et à tous ceux survivants dont l'enfance a été assassinée.
En Allemagne, Hitler, parvenu au pouvoir depuis plusieurs années, avait créé un parti politique unique et autoritaire, constitué d'hommes fanatiques, qui étaient les nazis. Les SS à l'uniforme noir orné du sinistre insigne à tête de mort en représentaient "l'élite", définie par sa devise: "Sang, sélection, dureté". Elevés par eux-mêmes au rang de surhommes, ils obéissaient aveuglément aux ordres de leurs chefs, théoriciens du pire, dont le but était la conquête de l'Europe, désormais exploitée à leur seul profit, et d'où seraient éliminées les races qu'ils considéraient comme inférieures, méprisables et nuisibles.
(Ma mère)
Elle avait un livre de cuisine dont le titre était "Manger...quand même ", contenant, entre autres, des recettes de faux beurre et de fausse huile ! C'était l'art de l'illusion au service de l'art culinaire, le règne du navet, du rutabaga et du topinambour.
Son étonnement fu grand de constater que le camp était sous la garde de Français, et non d'Allemands comme elle s'y attendait. Elle vint trois fois au cours de notre internement, et eut la possibilité de nous voir une fois, vision pénible dont sa mémoire et celle de sa fille, à peine plus âgée que moi, et qui l'accompagnait, ont gardé le souvenir de la tristesse de nos regards et de notre état de dénutrition et de misère. (p.83)