Pierre Gros

Pour moi, sans conteste, c'est le meilleur ouvrage qui puisse exister sur l'architecture romaine. J'éprouve beaucoup de nostalgie lorsque j'en parle car étudiants, nous pâlissions tous d'envie devant le rayonnage de la bibliothèque universitaire où les deux tomes étaient exposés!

Bref, ces deux gros pavés qui abordent respectivement les monuments publics et les monuments privées (j'avoue avoir une petite préférence pour le second!) sont constitués de croquis et de reconstitutions d'une grande qualité. Malgré le poids de ces deux ouvrages et le prix (pas vraiment abordable!), j'aimerais beaucoup un jour les acquérir, juste pour me remémorer au fil des pages, ces moments inoubliables et passionnants.

La synthèse la plus complète possible sur l’architecture romaine. On pourrait presque dire qu’il s’agit d’un must have pour tous les amateurs d’architecture antique, s’il n’était pas aussi difficile à trouver en dehors des bibliothèques universitaires.

L’ouvrage a de plus été régulièrement mis à jour depuis sa première parution pour prendre en compte les avancées de la recherche, la troisième et dernière édition en date ayant paru en 2011 (ce qui m’a permis, par une chance inespérée, de récupérer un exemplaire désherbé de la deuxième édition).



Dans ce premier tome, Pierre Gros traite les monuments publics en cinq parties qui suivent une typologie particulièrement pertinente. Il aborde d’abord les éléments structurant l’espace de la ville : les enceintes, séparation entre l’extérieur et l’intérieur, mais aussi les arcs triomphaux et les portiques, qui définissent les espaces intérieurs. La deuxième partie traite du centre monumental de la ville romaine, qui regroupe temples, forums, basiliques et curies. Il enchaîne ensuite avec une troisième section sur les monuments du spectacle et du loisir, qui comprend fort logiquement les théâtres, cirques, stades, etc. mais également de manière un peu plus inattendue les bibliothèques et les collegia/scholae. Ces trois parties comptent pour un peu moins des deux tiers de l’ouvrage, les deux dernières, qui évoquent respectivement les structures liées à l’eau et celles liées au commerce, étant de dimensions plus modestes, mais non moins intéressantes. Le tout est accompagné par une iconographie de qualité et variée (plans, élévations, reconstitutions, photographies…).



Personnellement, comme souvent avec les gros manuels, c’est un livre que je lis, ou relis, plutôt dans le désordre, petit bout par petit bout en fonction de mon intérêt du moment. J’aime beaucoup aussi juste le feuilleter en regardant les images, qui se suffisent à elles-mêmes et me servent souvent de point de départ pour un dessin. Le fait qu’il se passe rarement plus de trois mois sans que je le sorte de ma bibliothèque est en soit assez révélateur de son caractère de référence sur l’architecture antique.

Vous n'aurez pas au travers de cet ouvrage une histoire événementielle et linéaire de la Rome antique. L'auteur tente de définir ce qu'est la romanisation, en de se détachant des interprétations du terme marquées par l'influence, chez certains auteurs contemporains, de concepts comme celui de colonialisme ou encore d'une interprétation marxiste des choses.



Il s'appuie pour ce faire tant sur la vision des historiens modernes que sur celle de leurs antiques prédécesseurs.



L'auteur met en avant quelques caractéristiques fondamentales de la civilisation romaine comme le poids donné à la cité, la passion des romains pour le droit ou encore l'influence de la romanisation dans l'architecture municipale. Son exposé aborde également l'art et les emprunts que les romains ont pu faire aux grecs tant de ce point de vue artistique que du point de vue des idées. Peu à peu, on voit se diffuser un art impérial et une religion impériale qui marquent l'architecture municipale. De même, l'Empire prenant le relais de la République, l'exercice de la citoyenneté s'en trouve modifié et le soutien du peuple aux dirigeants en place trouvent une nouvelle approche dans l'acclamation aux jeux. C'est finalement un partage du temps du spectacle, du temps "du ludique" qui remplace le plein exercice de la citoyenneté.



L'auteur souligne utilement que la romanisation du monde connu n'entraîne pas la disparition d'autres cultures au sein même de ce monde romain.



Au total, la participation à la romanité peut revêtir différentes formes bien mises en évidences par l'ouvrage.