Citations de Pierre Maubé (33)
Nulle part
Extrait 2
Nous venons peu à peu à bout de notre peine,
peu à peu nous prenons la mesure du temps,
peu à peu nous perdons l'habitude du souffle,
peu à peu nous meublons l'espace illimité
de notre seul logis, le silence.
in Revue Friches, n° 94, Cahiers de Poésie verte 2006
Nulle part
Extrait 1
Nous n'allons pas plus loin
que le poids de la terre,
nous n'allons pas plus loin
que l'aire de la soif.
Nous nous accoutumons
au temps de nos silences,
nous nous accoutumons
à l'exil de nos cris.
Un autre à travers nous
invente une rivière,
un autre fait de nous
un souvenir doré.
in Revue Friches, n° 94, Cahiers de Poésie verte 2006
Extrait 3
J’aimerais dire… mais ce refrain soumis à je ne sais quelle
musique me laisse coi, ébloui, effaré, noyé de nuit, perdu,
obscur, corps échoué sur un rivage noir.
J’aimerais dire au gouffre goguenard qui s’ouvre sous mes
pas de se laisser oublier le temps d’un souffle, le temps d’un
chant, le temps d’un geste nu ou d’un soupir, le temps d’un
rayon de soleil.
Extrait 2
J’aimerais dire à cet écho patient, à ce frisson inaliénable :
« Je ne mérite pas cet attachement sombre, cette fidélité
de chien, cette chaîne invisible. Je t’en supplie, déserte-moi,
rejoins l’oubli qui t’a donné naissance, renonce à ce naufrage
quotidien, à cette danse du silence. »
Extrait 1
J’aimerais dire à l’ombre qui me suit de me quitter,
d’aller ailleurs vivre sa vie d’ombre rieuse, de flamme
ténébreuse, de sombre feu follet.
J’aimerais dire à cette nuit légère qui s’attache à mes
pas que je n’ai pas besoin de ce supplément d’être, de
ce ricanement muet qui ne m’abandonne que la nuit.
…
l'oiseau vespéral
vole silencieusement
dans les sous-bois
de la mémoire
presque invisible
une lézarde
paraphe la nuit
et les étoiles
une à une
y sombrent
mais leur lueur
demeure
au secret de nos yeux
Revue Arpa
Chaque pas ouvre une route
que nous ne suivrons pas jusqu’au bout,
mais dont l’horizon nous aimante.
Chaque geste rompt la digue
de l’immobilité et du renoncement,
l’eau déferle, le flot monte,
le cœur bat, une histoire commence.
Chaque mot enfante
dans le secret de notre souffle
la possibilité
du poème.
A l’épaule du rêve
monte le soir comme une brume,
mais lentement, si
lentement
qu’une baie noire sous la dent
trouve encore le temps de mûrir, de mourir.
Malgré l’automne
et malgré l’hiver,
toujours
persistant
à croître ;
déjà la fleur,
et la tige s’incline,
déjà le fruit,
et la terre l’attend.
Le ciel est un bol de faïence
reflétant le thé vert des prés,
une vache qui rêve lève la tête
et regarde passer un nuage de lait.
Intime
germination de chaque souffle
dans ce qu’il faut de sang et de silence
pour que le mot puise à la source
son goût de lune lente.
notre vie cette luciole
brillante au bord du chemin
luciole
qui tremble
au creux de la main
luciole
de lumineux instinct
luciole
d'infime destin
luciole
qui s'éteint le matin
dans la lueur de l'aube