AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Pierre Maubé (33)


Pierre Maubé
Inconfortable
(I) / D
  
  
  
  
Si doux que soit ce poème, si chaste, si soupirant, si Lamartine, si
Henri de Régnier, si Marie Noël, si mélodieux, si violon qu’il soit, il
est violence.
Rythme, scansion, percussion.
Rythme, scansion, percussion, violence.
La voilà, l’émotion.
Celle du poète. Nausées, écoulements, gésine, expulsion.
Celle du lecteur. Giflé, griffé, blessé, j’ai mal, j’avais besoin de ce
poème et je ne le savais pas, j’étais orphelin et veuf et j’ai
rencontré ce poème et je l’ai reconnu et me voilà conscient de ma
solitude et je ne la supporte plus.
J’ai toujours faim, j’ai toujours soif, j’ai toujours froid, je suis
toujours seul mais ce poème est là. Il est le pain qui ne calme pas
ma faim, le vin qui ne calme pas ma soif, le feu qui ne chasse pas le
froid, le sourire qui me laisse seul – mais il est là.
Il ne me quittera jamais.
Que la douleur qu’il a fait naître et qu’il fera renaître soit bénie.
Commenter  J’apprécie          60
Pierre Maubé
Inconfortable
(I) / C
  
  
  
  
Un poème peut être sobre, discret, pudique, murmurant.
Ou éruptif, convulsif, épileptique, hurlant.
Peu importe.
Il est.
Obscène, indécent, innocent. Présent.
Donné ici et maintenant.
Abominable.
Genèse, apocalypse, big bang et trou noir.
Travail de chair parturiente, surgissement de quelque chose de
viscéral, de tellurique, se frayant un chemin dans le cloaque de
notre misère.
Poème déchireur des entrailles du poète, poème sorti de lui,
expulsé, corps étranger qui traverse son corps. Poème qui n’est
pas le poète, ne lui donne pas voix et ne l’exprime pas, poème qui
tourne le dos au poète, et l’oublie.
Pour venir brûler les yeux du lecteur.

Commenter  J’apprécie          10
Pierre Maubé
Inconfortable
(I) / B
  
  
  
  
Inconfortable, vous dis-je.
Vilaine bête échappée de la cage du silence.
Le poème est violence.
Il nous fait violence.
On ne s’attendait pas à ce poème.
On ne l’attendait pas.
On ne voulait pas de lui.
On ne le cherchait pas.
On avait besoin de lui mais on ne le savait pas.
Et le voici.
Obscène, frissonnant, hurleur, petite chose mal lavée.
On dormait. Il nous réveille.
Sa lumière fait mal aux yeux. Son cri fait mal aux oreilles. Ses mots
blessent.
Ce n’est pas une question de vocabulaire, non.
Pas besoin d’argot, de cris, d’éventrations.
Pas davantage de ces petites provocations d’arrière-cuisine, ces
trouvailles de laboratoire, ces précipités de ratatouille formelle,
ces dissonances distillées au compte-gouttes par les alambics
subventionnés, ces gloussements des poulaillers de la préciosité.

Commenter  J’apprécie          10
Pierre Maubé
Inconfortable
(I) / A
  
  
  
  
La poésie est inconfortable.
D’ailleurs, elle résiste.
À nos repères. À notre regard blasé. À nos habitudes de lecture.
Un poème ? C’est du brutal.
Un poème dérange, bouscule, met le pied dans la porte et donne
un coup d’épaule.
Un poème est douloureux à écrire et douloureux à lire.
Un poème s’impose. On ne lui échappe pas. On n’est pas distrait,
on ne pense pas à autre chose, on ne passe pas à autre chose, on
n’en mène pas large, on ne tourne pas la page – et lorsqu’on finit
par le faire, le poème persiste.
Comme un caillou dans la chaussure, comme un ongle incarné. Le
verbe s’est fait chair, s’est inséré dans la chair, tumeur au cœur de
notre vie.
Le surgissement d’une voix de chair, comme le décrit
excellemment Claudine Bohi.

Commenter  J’apprécie          10
Pierre Maubé
tambours battent dans ta gorge
  
  
  
  
Les tambours battent
dans ta gorge,
les tambours battent
dans ton corps,
danse du sang
à pierre fendre,
danse du temps
à contre-feu,
la fumée germe
dans ta gorge,
la braise est l’aube
de ta voix,

Incendie pâle
aux veines mauves,
muette flamme
à ciel absent,

Tes mots sont une mousse morte,
une rivière exténuée,
ton souffle bat
dans sa caverne,
cendre à venir,
déjà présente,

Brindille sèche
pour quel feu.
Commenter  J’apprécie          40
Pierre Maubé
Un temps de guerre lasse
  
  
  
  
Il fait un temps
de guerre lasse,
de sueur froide,
de corps perdu,

Un temps de gel et de fatigue,
un temps de remords et de peur,

Ta vie se traîne à pierre fendre,
tes souvenirs meurent de faim,
tes idéaux se désagrègent,
tes avenirs te désavouent,

Tes illusions
sont des fœtus
desséchés,

Ta peau
est à donner
aux chiens qui passent près de toi,

Tu ne sais plus
à quelle fièvre te vouer.

Tu ne sais pas
quelle espérance
renier trois fois.
Commenter  J’apprécie          20
Pierre Maubé
Je donne ton nom à la source
pour qu'elle en abreuve la mousse,
pour un sourire de printemps,
pour une mélodie d'automne.

Je donne ton nom à l'arc-en-ciel
pour que l'horizon le recueille
et lui fasse un berceau de rosée
et des funérailles de givre.

Je donne ton nom à l'amour
pour qu'il l'emporte aux pays de légende
où les vents disperseront
le souvenir de tes parfums
et le mirage de ton ombre.

( Revue Arpa n 120 121 )
Commenter  J’apprécie          203
Chaque pas ouvre une porte…



Chaque pas ouvre une porte
que nous ne suivrons pas jusqu’au bout
mais dont l’horizon nous aimante.

Chaque geste rompt la digue
de l’immobilité et du renoncement,
l’eau déferle et le flot monte,
le cœur bat, une histoire commence.

Chaque mot enfante,
dans le secret de notre souffle,
la possibilité du poème.
Commenter  J’apprécie          20
Pierre Maubé
Nous pourrions faire de l’exil…



Nous pourrions faire de l’exil
l’approche d’une étoile.

Nous pourrions faire de l’absence
le lieu d’une promesse.

Nous pourrions faire de la faim
la source du partage.

Nous pourrions faire du silence
le nid d’un souffle lent.
Commenter  J’apprécie          110
Pierre Maubé
Clairières



Extrait 3

L’invisible vent sur les hautes herbes, caresse et frisson. Le
regard aujourd’hui ne sera pas blessé.

Déploie ton doute, rassure ta lueur.

Un gnome qui est toi rit de tes élans. Ne lui accorde pas le
pouvoir de mesurer ton souffle.

Le vert de tes prairies d’enfance. Calciné mais non aboli.

Toute trêve est nourricière. Épouse l’adversité.

Une source renaît du matin. Accueille son chant. Sois l’oiseau
     de sa confiance.


/Arpa no129-130, 2020
Commenter  J’apprécie          160
Pierre Maubé
Clairières



Extrait 2

La fougère connaît la rareté de la lumière. Comme elle,
peuple le murmure, respecte chaque saison.

Lisières du fruit, ta défiance s’endort. C’est l’aube.

Ignore la grêle des procès, vendange tes promesses. Tu
donneras le vin de tes mirages, et l’on t’en saura gré.

Ours, loup, chardonneret – toi. Ne choisis pas.

L’éclair des certitudes, la musique vaine des remords.

Ta patience a raison. Ton impatience aussi. Fiance-les.

La salive impure des journées peut submerger tes rêves, non les noyer.

Alterne l’orage et l’aurore, la prédation et la fuite, la pénombre et l’étoile.

Ne te réfugie pas.

Commenter  J’apprécie          140
Pierre Maubé
Clairières



Extrait 1

Ton enfance grandit chaque jour. Ne la condamne pas.

Sève ou sang, la rivière est ton alliée.

Une feuille dit l’arbre, un mot renouvelle un visage.

Leurs regards amoindrissent tes gestes. Agis cependant, ne
serait-ce que pour susciter un envol d’alouettes.

Déploie ta fièvre, sécrète ton salut, sauve ton chant.

Fendre le nuage est parfois nécessaire.

Ta faim est l’alliée de ta marche. Ta soif dessine un paysage.
Irrigue tes pressentiments.
Marées secrètes, migrations silencieuses, que sais-tu de ta vie ?


/Arpa no129-130, 2020
Commenter  J’apprécie          30
D'une obstination de mousse,
d'une vigilance de fougère,
d'une patience de lichen,
notre présence est résistance
et gloire murmurée
à l'ombre de ce monde.
Commenter  J’apprécie          60
Noyé du temps que l'eau emporte
une fois refermée la porte,
tu sais la rive des instants,
au bord usé des vagues mortes
tu joues, tu rêves,

tu attends.
Commenter  J’apprécie          80
Cette nuit le corps de la mort
s'est allongé contre mon corps,
comme une vase familière,
un marécage affectueux.
Commenter  J’apprécie          130
Pierre Maubé
Combien de temps combien de pages
avant la blessure du soir
combien de pluies et de nuages
et de lumières disparues
les regards brillent dans les songes
comme des étoiles perdues
les voix s'éloignent sur la rive
comme un écho exténué
fidélité du paysage
au crépuscule des saisons
combien de pas combien de gestes
sous la poussière des instants (...)
Commenter  J’apprécie          190
Nous n'allons pas plus loin
que le poids de la terre,

Nous n'allons pas plus loin
que l'aire de la soif.

Nous nous accoutumons
au temps de nos silences,

nous nous accoutumons
à l'exil de nos cris.

Un autre à travers nous
invente une rivière,

un autre fait de nous
un souvenir doré.
Commenter  J’apprécie          60
Pierre Maubé
VAINE


Cette caresse profuse, ce marais luminescent,
germination incessante, lieu sans nom au sens absent.

Lieu de l’effort, de l’attente, du levant
et du ponant de la peine, lieu s’ouvrant
sur la peur universelle, la vérité aux abois.

Pleine veine, lieu du temps,
lieu du passage et du vide, lieu du sang,
lieu de la rumeur secrète, soulevant
les tempêtes souveraines, fleuve blanc,
milieu des promesses vaines, s’enivrant
de chaque tourbillon rouge,
de chaque fleur dénouée.

Notre closerie commune, notre secret partagé,
notre nuit intime où germe notre plus intime voix,
notre vie nue et fragile, notre force ruisselant
dans la pénombre intérieure, la caverne des marées.

Pierre Maubé, inédit.
Commenter  J’apprécie          140
Pierre Maubé
Nulle part


Extrait 4

Nos bouches sont des puits,
nos bouches sont des failles.
Y coule une rivière
de silence épaissi.


Nous apprenons à taire une voix souterraine,
à sceller de nos mains la blessure têtue,

l’aube de notre nuit se recouvre d’écailles
et la mue de nos yeux a des reflets de boue,

nous apprenons à voir la splendeur de l’abîme
et du corridor nu aux échos oubliés.



Une sueur épaisse a recouvert nos rêves,
lisière grêle où fermente le temps.


un paysage nouveau se dessine,
à perte de vue

in Revue Friches, n° 94, Cahiers de Poésie verte 2006
Commenter  J’apprécie          40
Pierre Maubé
Nulle part


Extrait 3

les morts oublient les vivants

Aride vérité que celle du silence,
inaccompli sommeil que celui de l’oubli.

Notre marche est muette,
notre langage est immobile
notre effort,
notre lent, notre lourd, notre indistinct effort
est inutile

in Revue Friches, n° 94, Cahiers de Poésie verte 2006
Commenter  J’apprécie          20



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Pierre Maubé (18)Voir plus

Quiz Voir plus

Louis-Ferdinand Céline ou Charles Bukowski

Au Sud de nulle part ?

Louis-Ferdinand Céline
Charles Bukowski

10 questions
39 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}