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Citation de enjie77


Au cours des mêmes mois, Proust s'était demandé, en rêve, si sa mère "comprendrait son livre". Quelle que pût être la réponse, il lui édifia un ardent monument funèbre : il fit d'elle le cœur et l'interlocutrice de son livre, l'enveloppa de lumière ; il l'évoqua avec une douceur, un déchirement inépuisables ; cette douceur qui ruisselle de la fontaine incessante de l'amour, laquelle "jaillit vers la vie éternelle", comme le dit Saint-Jean. Il l'évoqua dans toutes ses attitudes : avec sa parole embarrassée, sa voix altérée par l'aphasie, ou quand elle risquait timidement un air du chœur d'Esther, comme l'une des jeunes filles de Saint-Cyr, et semblait Esther elle-même, ou quand, d'un air distrait et indifférent, elle posait sur son lit un exemplaire du Figaro , ou encore dans sa chambre, assise à sa toilette, dans un grand peignoir blanc, ses cheveux noirs épars sur ses épaules ; ou lisant Georges Sans au chevet de son fils, de sa belle voix pleine de distinction, de générosité, de noblesse d'âme ; ou surtout - comble de la douceur - tandis qu'elle lui souriait de la fenêtre de l'hôtel de Venise et lui envoyait, du fond du cœur, tout son amour. Dans le Souvenir d'une matinée, il lui érigea pour la dernière fois ce monument funèbre. Plus tard dans La Recherche, la mort ne le séparerait plus d'elle, car il la rendrait immortelle.
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