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Citation de hupomnemata


AVENEMENT DE LA COULEUR

Le dessin à son tour devient support. Au sein de la surface se profilent les espaces partagés et retenus par la ligne. Tendus selon son déploiement, ils seront soudain amplifiés dès la première tache de couleur. La ligne cesse d'agir seule. Un mouvement autonome apparaît qui anime et excite l'espace là où la couleur s'est posée, le fait reculer ou avancer, l'étire, et au lieu de l'engourdir l'emplit d'air limpide. A son tour la couleur rend l'espace, l'étale en profondeur. Elle ajoute au dessin la nouvelle dimension. D'un bond, par sa franche entrée en contact avec la surface, elle affirme ce qui la sépare de la ligne : sa force médiane, instantanée, ce pouvoir qu'elle a de se hisser à son point culminant, prenant appui sur elle-même. Facultés que Miro mettra aussitôt en oeuvre. A la difficile tension de la ligne il ajoutera celle, opposée et aisée, de la couleur. Nous observons l'inracontable modernité de la délectation.
Complément de la ligne, la couleur cependant ne manifeste pas la forme, ni ne cherche à la recouvrir pour la mettre en vue - ce qui serait une circonscription assignée : elle accentue l'espace. C'est l'espace qu'elle vise ; et elle sera aussi bien une tache qui éclabousse (rarement), véritable percussion, refoulé par la ligne, donnant lieu à cette action, à cette interférence qui est l'analogie même entretenue par Miro entre lignes et couleurs. Sa densité, son énergie varieront, mais ce sera toujours un mouvement croisé, une vibration double, encore. Pas de paisible voisinage entre lignes et couleurs. Parfois un accompagnement, similitude de démarche qui révèle la nature contraire de la couleur, pour hausser la diversité. Comme pour la ligne, le tendeur sera toujours en action pour la couleur, qu'elle se déverse ou qu'elle s'infiltre, quelle que soit sa teneur. Combinaison d'équivalences, non de semblables : l'enjouement, saut de carpe pour la ligne, sera éclat pour la couleur. Et une seule condition : que le geste ait la même élection.
La couleur, qui prévoit l'espace à travers lequel elle s'unira à la ligne, doit prévoir aussi - comme la ligne, tout en le découvrant, avait prévu son parcours - sa multiplication, l'accord de valeur à valeur. Alors commence cette partie subtile - la grande joie dans la peinture de Miro - où une couleur s'apprête à être l'extrême point d'une lumière, une étoile volcanique à laquelle répond au loin une ombre terrestre, sphère feutrée, et cet éloignement entre les deux, cette respiration presque sensuelle de l'espace dans l'action simultanée des lignes, fait glisser l’œil flammé, de détour en détour, jusqu'au centre invocateur. De ce périple naît la forme, sol en paroi d'un tout volant qui se constitue. Volant et incandescent. Spectre et sceptre d'une main droite? Non : manade, monade.
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