Critiques de Robert A. Morris (2)
Lorsque vous serez très vieux et que vous raconterez à vos petits enfants des temps qu'ils n'auront pas connu, vous vous souviendrez qu'il s'est produit deux événements importants un 11 septembre.
Que dis-je ? Importants ? Non. Deux événements MAJEURS !
Le premier, un certain 11 septembre 2001, marqua le tournant entre le XXème et le XXIème siècle. Pour la première fois, des aéronefs étaient proposés au crash-test afin d'homologuer un nouveau modèle d'airbags passagers.
Ce fut un échec de sinistre mémoire et le modèle n'a pas été homologué ni re-testé depuis lors mais certains y songent certainement ici ou là de par le monde.
La seconde date capitale qui restera fortement ancrée dans vos mémoires sera le non moins célèbre 11 septembre 2013, date à laquelle vous aurez lu pour la première fois une critique concernant le livre de Robert Morris et Arnold Lobel intitulé : L'Hippocampe.
Forte de ces deux mémorables incrustations, votre cervelle aura le temps de voir venir avant de songer à retenir autre chose.
L'Hippocampe, donc, est un album documentaire assez long et assez poussé sur la vie des baleines... non, bien sûr, je plaisante, c'est de cerveau qu'il est ici question.
Blague à part, je tiens à préciser deux choses. La première est que cet album, paru en 1991 chez L'école des loisirs, ressemble à un album narratif classique or, de nos jours, il paraîtrait immanquablement dans la collection Archimède de cet éditeur, spécifiquement dédiée aux documentaires, mais laquelle collection ne fut créée qu'en 1992, d'où le pourquoi de son aspect " ordinaire " et non estampillé " Archimède ".
La deuxième " bizarrerie " notable est de découvrir l'illustrateur Arnold Lobel, surtout connu pour son ultra classique Magicien Des Couleurs, dans un registre que je ne lui connaissais pas, à savoir, l'illustration didactique.
C'est un peu surprenant au départ, car on reconnaît quand même bien le trait et la mise en couleur de Lobel, mais c'est pourtant tout à fait du dessin didactique. Bon, je vais encore faire ma fine bouche, je le trouve plus à son aise à illustrer des fictions que du documentaire, mais ça reste très acceptable.
Pour le reste, Robert A. Morris nous dresse un très bon docu-fiction centré sur un mâle hippocampe et balaye tous les éléments marquants et principaux de la vie de ces adorables petits poissons à la silhouette improbable.
Un album assez atypique mais fort intéressant que je conseille très volontiers. Nonobstant, ce n'est évidemment que mon avis, rien de plus qu'une vieille sargasse brune flottante pas même propice à l'accroche d'un hippocampe, autant dire, vraiment pas grand-chose.
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L’Hippocampe, album jeunesse écrit par Robert A. Morris et illustré par Arnold Lobel, a été publié pour la première fois en France en 1990 par l’École des loisirs. Il s’agit d’un ouvrage traduit (par Alice Déon), dont l’original date de 1972, édité par Harper & Row aux États-Unis (pays de l’auteur et de l’illustrateur), sous le titre Seahorse. Sur l’auteur, il est difficile d’obtenir des informations, si ce n’est qu’il a déjà écrit des ouvrages documentaires sur la faune marine (j’ai pu trouver un obscur livre sur les dauphins, c’est à peu près tout…) En revanche, Arnold Lobel est un auteur et illustrateur assez célèbre, qui a écrit, ou illustré (ou les deux) plus d’une trentaine d’album jeunesse, dont Hulul, dans la collection Mouche de l’École des loisirs. C’est d’ailleurs A. Lobel qui est mis en avant lorsque le livre est présenté.
Le livre raconte la vie (précaire) d’un papa hippocampe, qui pris dans le tumulte de la tempête, va devoir bien s’accrocher (dans tous les sens du terme) pour survivre aux obstacles sur sa route.
Contrairement aux autres poissons qui descendent en eaux calmes, l’hippocampe reste sur la côte. Cet animal, hautement improbable, ressemble à un minuscule cheval de mer (c’est d’ailleurs l’une de ses dénominations). Avec sa queue, l’hippocampe s’attache à une algue. Mais la tempête les emporte au loin. L’hippocampe est donc vulnérable, car repérable. Il ne cesse de se maintenir à l’algue, comme pour se rassurer. Cette algue est une sargasse, qui possède de petites billes d’air qui lui permettent de flotter. Durant des jours, l’équidé marin se maintien à son bout d’algue. La tempête s’arrête, il était temps, il mourrait de faim. L’hippocampe mange du plancton, ensemble d’animaux et de plantes minuscules. Les petits poissons mangent du plancton, les gros poissons mangent les petits poissons… L’hippocampe aspire le plancton avec son long museau, ça fait « GLOUP ! » (d’après l’auteur). Il se cache dans la forêt de sargasses, ils sont bruns tous les deux. Grâce à son camouflage, l’hippocampe échappe à l’immense carangue ambrée qui veut le manger. Puis il décide de changer d’air, enfin d’algue. Il prend son élan, l’algue n’est qu’à un mètre de lui mais c’est beaucoup pour un animal si minuscule… Pour y arriver, il utilise ses mini-nageoires, si vite comme les battements d’ailes d’une mouche : une dans le dos pour avancer ; deux derrière les oreilles et une sous le ventre pour se diriger. Soudain, il entend un autre hippocampe, qui fait « CLIC ! » (toujours d’après l’auteur…). C’est une femelle. Elle finit par pondre ses œufs et les placer dans la poche ventrale du papa hippocampe. Tempête (encore). Ils finissent par arriver au calme, dans une baie, lieu sûr pour les hippocampes. Mais les sargasses ont laissés place aux lianes de mer, qui sont noires. Alors le couple est en danger. Par chance ils échappent aux prédateurs. Et finissent par prendre la couleur de leur environnement. Le papa hippocampe a maintenant un gros ventre, il est courbé. Les bébés sortent, ça fait « PLOP ! » (l’auteur semble décidément bien renseigné). Le papa les expulse de sa poche par dizaines. Il y en a cent, de la taille de son museau, parfaitement autonomes – ils se débrouillent tout seul pour manger. Certains seront emportés par le courant, d’autres avalés par les gros poissons. Les parents se retrouvent enfin seuls dans la baie…
Au-delà de l’aspect documentaire – qui remplit parfaitement son rôle, bien qu’ayant des doutes sur les bruits que font les hippocampes –, je pense qu’il faut aussi voir dans cet ouvrage, un second degré de lecture, lié à la dédicace en début de livre. Robert A. Morris le dédie à son fils. On peut imaginer (mais peut-être ne s’agit-il que d’extrapolations de ma part), qu’au vu de la nature de l’hippocampe – le père couve ses enfants – l’auteur entretien une relation particulière avec son fils. Et qu’il tenait à rendre hommage à la figure du père à travers ce mini-documentaire animalier.
S’il a l’habitude de dessiné des animaux anthropomorphisés, le style de Lobel est rarement aussi didactique/réaliste. Cela tient probablement au style du livre, très documentaire. Ses illustrations sont superbes, bien que moins chaleureuses que son style habituel. On a parfois l’impression d’être face à des estampes (eau-forte et pointe sèche) d’un naturaliste. La vague dans laquelle l’hippocampe est pris (p. 11) évoque la célèbre vague d’Hokusai. Bien que le style soit bien évidemment plus occidental, oscillant entre romantisme et art nouveau. Le gros point négatif étant précisément que les techniques de l’illustrateur ne soient pas révélées. Un ouvrage qui ne fournit d’ailleurs que peu d’informations sur la fabrication du livre, et aucune sur ses auteurs, c’est regrettable et frustrant… Même la collection n’est mentionnée nulle part.
C’est toute la beauté et la poésie du style documentaire qui ressort au travers de cet ouvrage. Une forme de contemplation de la nature telle qu’elle est, improbable, fragile, parfois amusante. Le décalage entre l’aspect scientifique et rigoureux d’une part, et les sons produits par l’hippocampe, et son allure d’extraterrestre farfelu d’autre part font de ce livre presque un objet à part entière. S’il est conseillé pour les sept à dix ans par le site de l’éditeur, je pense qu’il peut intéresser un plus large public encore. Aussi bien plus jeune que beaucoup plus âgé. Le corps du texte n’avait en revanche pas nécessairement besoin d’être aussi gros. Et l’absence d’informations, à la fois à l’intérieur du livre, et sur le site de l’éditeur (et le web en général), ne rend à mon sens pas hommage à la qualité du travail des auteurs.
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