Tout en activant le pas, il serra les poings. Le mal renaissait tel le Phénix de ses cendres alors qu’il pensait l’avoir détruit. Mais rien n’est jamais acquis, tout est toujours à refaire.
Secouant lentement la tête face à cette dualité représentant la force de l’humanité, mais faisant aussi bien souvent son malheur, il réintégra ses bureaux secrets en vue de préparer son départ. Tous les instants étaient porteurs de joies et de dangers, de réussites et de défaites. Son rôle était de veiller à ce que le mal ne prenne le dessus. Déjà à plusieurs reprises dans le siècle passé leur Monde avait frôlé la catastrophe par l’entremise du renégat Pacetoni. D’abord avec la guerre 14-18 et la grippe espagnole. N’ayant pu atteindre ses buts par la force, l’immonde individu avait tenté d’empoisonner la planète en faisant muter le virus. Ensuite, par le groupe Thulé et la marionnette Hitler en leur faisant, à ce dernier et ses manipulateurs, découvrir certains secrets interdits. Les deux fois il avait pu intervenir à temps pour limiter les dégâts. Deux cents millions de morts.
Pourtant… Un bond mémoire le précipita soudain dans les méandres les plus secrets de son esprit où neurones, synapses et protéines cachaient un événement arrivé des années auparavant. Il avait frôlé la mort, il était mort, s’était ensuite retrouvé vivant, étonné, choqué, et soulagé d’avoir échappé au néant. Mais en même temps enveloppé par l’étrange et terrible sentiment d’autres personnes, d’autres êtres humains pris par La Faucheuse en son lieu et place. L’équilibre devait être respecté. Le mot injustice n’avait pas cours dans ces sphères. Dieu décidait, ou alors le diable. Puis pour tous un prix à payer.
Elle secoua imperceptiblement la tête, haussa les épaules avec elle le besoin de rationaliser les événements des dernières heures, leur imposer une certaine normalité. L’euphorie de la fin de ses études universitaires à Mc Gill, l’aboutissement d’un travail assidu pour rendre sa famille fière d’elle. Pourquoi chercher plus loin ? Sa vie à Montréal avait été vouée à l’étude. Sa réussite en était la récompense et une grande banque avait retenu ses services.
« … trop pour quelques-uns et pas assez pour tous les autres, liberté, terre, pouvoir, nourriture, superflu, espérance... Tout ce que la vie a de mieux à offrir, ils le prennent. Puis aux autres coups et brimades, la honte de devoir subir, la mort lente sans espoir. Trop de nantis profitent de l’ignorance et de la pauvreté, de la crédulité et l’innocence des plus petits. La vie n’est pas injuste, les hommes le sont. »
Ces rapaces ne valaient pas mieux que lui. Puis entre prédateurs on se respecte tant que chacun reste chez soi. Mais la vie était farcie d’incertitudes. C’était le pourquoi de la pléiade de systèmes de sécurité et gardes du corps grassement payés. Où étaient passés ces soi-disant protecteurs ? Avaient-ils trahi ? Cet homme les avait neutralisés ? pouvait-il encore compter sur eux ? Peu probable
Elle devait agir, faire face. C’était un de ces tournants dans la vie où vous voyez, sentez la direction à prendre, l’instant crucial, le moment à saisir avec passion avant qu’il ne disparaisse. Faire marche arrière, laisser passer cette occasion privilège par peur ou indifférence, et la vie, votre vie, plonge vers ailleurs, peut-être l’obscurité, peut-être la mort sans avoir connu la joie.
« Notre attitude envers les plantes est particulièrement bornée. Si nous envisageons une utilité immédiate à une plante, nous l’entretenons et la nourrissons. Si, pour quelque raison que ce soit, nous trouvons que la présence de cette plante est indésirable ou simplement que nous y sommes indifférents, nous pouvons la condamner sur-le-champ à la destruction. »
Rachel Carson
Sois heureux d’être encore vivant. Contre toute attente, tu as été épargné et elle est seule à savoir pourquoi. Va-t’en, maintenant. Retourne auprès des tiens. Celui que tu cherchais est déjà mort. J’ai mis dans tes poches, pour prix de ton silence, car ce qui se passe ici ne peut être ébruité pour le moment, de quoi aider la cause de tes frères. Et ta propre cause.
C’était un être brillant qui sentait les choses. Il réagissait devant les êtres exactement comme face aux pierres à sculpter. Il m’avait mis à nu et savait que j’avais une demande importante à lui faire.
« Quelque part, le diable nonchalamment se traîne en bringuebalant sa queue fourchue. Il épie son homme par-dessus son épaule, un sourire méphistophélique sur les lèvres, en attente... »