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Citation de Charybde2


La fine perception des dérangements de la mémoire, des intermittences du cœur – des palpitations du temps qui, maintenant, se traîne pour se mettre aussitôt à courir et soudain à voler – a toujours été mon plaisir, mon privilège et ma condamnation.
La mémoire est un astronaute qui travaille dur pour établir des relations durables entre les étoiles, mortes pour la plupart ; mais leur souvenir allume encore des lumières dans un espace qui, même extérieur et inaccessible, ne fait pas moins partie, lui aussi, des nébuleuses de la pensée, si proches et également inaccessibles. Se souvenir, c’est trouver sans cesser de chercher. Nous ne savons pas si un souvenir est ce que nous considérons comme perdu lorsque nous l’évoquons ou ce qui, perdu, est tout à coup retrouvé.
Le plus étrange (ou le plus normal, car les distorsions de l’espace-temps sont des lieux communs très fréquentés du genre) est peut-être qu’à présent – alors que je commence à la perdre, la mémoire m’inflige une douleur aiguë et palpitante – j’essaie de me rappeler en écrivant ce dont je ne me souviens plus si je ne me sers pas de mes mains.
Et je ne le fais pas à l’aide du langage fonctionnel et presque télégraphique de la science-fiction.
Je veux parler de ce style qu’est l’absence de style, où ce qui compte vraiment est la trame, la bonne idée, la prophétie novatrice. L’intérêt constant pour le futur servi par une écriture vraiment primitive.
Non : maintenant, ce sont de longues lignes sinueuses (les parenthèses fonctionnent comme des pinces de crustacés agrandis et enorgueillis par l’action des rayons Epsilon) qui semblent avoir été écrites par un gentleman expérimental et peu expérimenté du dix-neuvième sur les brisants du nouveau siècle.
Encore le passé.
La façon dont on écrivait par le passé, lorsque les livres pouvaient compter sur des lecteurs ayant tout leur temps et que tout le temps du monde était contenu dans ces livres qu’il était si difficile de refermer, car il se passait bien plus de choses à l’intérieur qu’au-dehors. Des livres à l’usage d’un lecteur d’une ère finissant pour qu’une autre commence, déjà prête à lancer l’idée et la théorie du futur lointain.
Et, de là, la nouvelle et paradoxale conviction que, si on prolongeait la vie, le futur pouvait non seulement être plus lointain, mais aussi devenir plus accessible.
De là un lecteur mutant, flottant entre deux phases.
Un lecteur Lointain ayant accès à tout.
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