Sandra Noël

Il ne savait expliquer ce qui lui arrivait. Il devait se consacrer à ses recherches et non pas se laisser séduire. Rainer Schneider, à cause du manque d'attention de son adjoint, faillit trébucher sur un pot de fleurs disposé devant l'autel. Helmut s'excusa et le guida vers la sortie.

- Je n'aime pas la pêche, enchaîna la religieuse. Je ne comprends pas comment on peut rester des heures entières à attendre la capture d'une truite.
[...]
- La plupart du temps, ils les relâchent. Je ne pense pas qu'ils les consomment.
- Justement, pourquoi blesser inutilement ces pauvres petites bêtes ? Cela n'a pas de sens.
Helmut perçut le mécontentement de la jeune professe. Il ne pouvait pas lui avouer que de temps à autre, il s'adonnait aussi à la pêche en étang. Il préféra éviter le sujet.

- Josef, ne sois pas aussi rancunier. Pardonne-lui. Personne n'est parfait et tout le monde commet des erreurs. Il faut savoir les réparer et il faut savoir oublier sa rancune. Chacun a le droit à une deuxième chance.
- Je sais, mais je voudrais bien t'y voir. Tu ne peux pas comprendre, tu n'as ni femme ni enfant !
Helmut encaissa le coup sans broncher. Voilà ce qui méritait d'être clair. Il ne manquait pas de tact, le frangin.

Des cadavres, que des cadavres ! Sans doute les meilleurs amis du légiste.

De plus, les autres le considèrent comme un pestiféré. La différence effraie, l'étranger questionne.

- Je sais... N'oublie pas que j'avais un certain succès dans ma jeunesse avant de devenir prêtre, rappela l'officier du Vatican, portant la chope de bière à ses lèvres.

Rien que de penser à ces macchabées en mille morceaux, cela lui coupait l'appétit. Pas un cadavre à décortiquer aujourd'hui ! Sa seule autopsie, ce serait celle du rôti de dinde qui dorait au four.

Josef Falk revêtit sa blouse blanche, ses lunettes et prépara ses outils de découpe. Son métier le confrontait aux pires horreurs : empoisonnement, strangulation, coups de poignard... Toutes ces atrocités lui rappelaient les démons de la nature humaine. Comment était-ce possible de s'en prendre à son prochain avec un tel acharnement ?

- C'est possible. On peut tout envisager à ce stade de l'enquête. Je ne suis que médecin légiste : pas de corps, pas de crime.

Après l'odeur de renfermé, le parfum de la mort vint envahir la maison du défunt.

Helmut la remercia en déployant son plus beau sourire. Enfin une journée qui s'annonçait bien. La tasse fumait. Le café, d'un noir intense, raviva les papilles de l'officier du Vatican. Rien de tel pour préserver sa bonne humeur.

Après son échange avec l'évêque, il partit prendre un grand bol d'air. Il arpenta les rues d'Augsburg et traversa la Moritzplatz, où circulait le tramway. L'architecture baroque des maisons colorées emplissait la ville de gaieté.

Un cri de douleur se fit entendre soudainement. Puppchen avait mordu le jeune prêtre non-voyant à la cheville. Il lui avait marché sur la queue.