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Citation de mimo26


Prologue

Sang humain :

44 % d’hématocrite.

55 % de plasma.

Et 100 % de cochonneries quand ça jaillit n’importe comment d’une artère perforée et que ça éclabousse toute la pièce.

Le docteur, comme il aimait à s’appeler lui-même bien qu’il n’ait jamais obtenu de diplôme, s’essuya le front du revers de la main. Il ne fit qu’étaler les gouttelettes ; ça devait lui donner un air répugnant, mais au moins toute cette soupe ne lui coulait plus dans les yeux. Pas comme l’an dernier où, après le traitement de la prostituée, il avait redouté pendant six semaines d’avoir été infecté par les virus du sida, de l’hépatite C, ou Dieu sait quelle autre saloperie.

Il avait horreur que les choses ne se déroulent pas comme prévu : quand l’anesthésiant était mal dosé, par exemple, ou que l’élu se débattait au dernier moment et s’arrachait le cathéter du bras.

— Non, ch’il vous… Non, balbutia son client.

Le docteur privilégiait le terme de client. Élu était trop pompeux, et patient lui semblait inexact : après tout, la majorité de ceux qu’ils traitaient n’étaient pas réellement malades. Le type étendu sur la table, par exemple, était en parfaite santé, même si pour le moment on l’aurait dit relié à une ligne à haute tension. L’athlète noir roulait des yeux, crachait une bave mousseuse et s’arc-boutait tout en tirant désespérément sur les liens qui le maintenaient à la couchette. À vingt-quatre ans, c’était un sportif surentraîné et au sommet de sa forme. Mais à quoi pouvaient bien lui servir toutes ces années d’entraînement intensif maintenant qu’un narcotique coulait dans ses veines ? Pas assez pour le mettre complètement KO, puisqu’il venait d’arracher l’accès veineux, mais tout de même suffisant pour que le docteur puisse le repousser sans peine sur la civière une fois passé le pire de la crise. L’hémorragie aussi avait cessé depuis qu’il était parvenu à appliquer un bandage de compression.

— Chut, chut, du calme…

Il posa une main apaisante sur le front du jeune homme, qui lui parut fiévreux ; sa sueur luisait à la lumière de la lampe halogène.

— Qu’est-ce qui vous prend, tout à coup ?

Le client ouvrit la bouche. La terreur jaillit de ses pupilles comme la lame d’un couteau à cran d’arrêt. Il bafouilla quelques mots à peine compréhensibles :

— Je… veux… pas… mour…

— Allons allons, nous étions pourtant d’accord, dit le docteur avec un sourire réconfortant. Tout est arrangé. Vous n’allez pas me laisser tomber maintenant, à deux doigts de la mort parfaite.

Il jeta un coup d’œil de côté, à travers la porte ouverte donnant sur la pièce voisine, la table à instruments avec les scalpels et le trépan électrique déjà branché, prêt à l’emploi.

— Est-ce que je ne vous l’ai pas expliqué assez clairement ?

Il soupira. Bien sûr qu’il l’avait expliqué. Pendant des heures, encore et encore. Mais cet idiot, cet ingrat n’avait toujours rien compris.

— Ça va être très désagréable, bien entendu. Mais c’est le seul moyen dont je dispose pour vous faire mourir. Rien d’autre ne fonctionnerait.

L’athlète gémit et tira sur les sangles qui lui enserraient les poignets, mais avec moins de force qu’un instant plus tôt.

Le docteur constata avec satisfaction que l’anesthésiant faisait enfin effet. Il pourrait bientôt commencer le traitement.

— Voyez-vous, je pourrais tout interrompre maintenant, reprit-il, une main toujours sur le front du sportif, rajustant de l’autre son masque de protection. Mais alors, votre monde ne serait plus constitué que de peur et de douleur. De douleurs insupportables.

Le jeune homme cligna des yeux. Sa respiration ralentit.

— Je vous ai montré les photos. Et la vidéo. La séquence avec le tire-bouchon et l’œil. Ce n’est pas ce que vous voulez, n’est-ce pas ?

— Hmm, émit le client comme s’il était bâillonné.

Puis son visage se relâcha et son souffle s’apaisa complètement.
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