Pour l’État franquiste qui disposait du monopole légal de l’information et de celui de l’exercice de la violence, la résistance en armes n’était qu’un problème d’ordre public et les guérilleros des délinquants de droit commun.
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La mort est omniprésente. Maladies, affrontements avec les forces de l’ordre et aléas des actions économiques posent un cadre de vie hautement précaire. Le guérillero est un mélange d’audace, de courage et de fatalisme.
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La dramatique situation de l’exil et la coercition exercée par les autorités françaises combinant menaces et tromperie font qu’en quelques mois, la moitié des réfugiés retournent en Espagne (70 000 avant le mois de mars). Ceux qui décident d’assumer leur condition d’exilés jusqu’à ses dernières conséquences se retrouvent entassés dans des camps de concentration, gigantesques lieux de stockage à ciel ouvert où promiscuité forcée et hygiène lamentable resteront terriblement gravées dans la mémoire de la diaspora espagnole. Argelès-sur-Mer (le tout premier), Saint-Cyprien, Le Barcarès, Septfonds, Bram, Vernet-les-Bains, Rieucros (réservé aux femmes) ou Prats-de-Mollo sont devenus des noms tristement familiers aux oreilles ibériques.
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Outre les sabotages et les représailles à l’encontre des franquistes les plus en vue, l’occupation principale du quotidien du maquis consiste à financer ses activités et à survivre.
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Les agents opèrent parfois dans les villes et le plus souvent dans les villages et hameaux. Ils sont les yeux et les oreilles de la guérilla, rapportent les mouvements des forces de l’ordre et leurs points de contrôle (ponts, croisements, granges). Ils transmettent les directives de l’organisation politique urbaine, accomplissent les repérages et évaluent des objectifs à saboter (arsenaux, casernements de la garde civile, lignes téléphoniques, recension des horaires de chemin de fer, etc.), recueillent identité et adresse des maires, phalangistes, gardes ruraux et membres de la répression les plus actifs. Ils sont l’élément indispensable à la mise en place des coups de main économiques. De plus, ils se chargent de l’achat de vivres, de médicaments, d’habits et parfois, d’armement.
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Les exemples de cruauté sont légion. Les 27 et 28 septembre 1936, les troupes marocaines (auxquelles on avait promis des femmes blanches dès qu’elles prendraient Madrid) achèvent tous les blessés de l’hôpital républicain de Tolède.
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La nuit est le royaume de la guérilla. Marches et cuisine se font de nuit. Les guérilleros doivent donc se fondre dans le paysage le jour durant. Traverser un pont peut se révéler périlleux, car les contre-maquis ont des postes de garde et la coutume est plutôt de franchir les cours d’eau à gué. L’arrivée de la neige réduit le nombre d’expéditions à cause des traces, et s’il est indispensable de sortir, il faut cheminer à l’envers.
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Les politiciens les plus retors s’imposent au sein des partis et au lieu de faire front contre Franco, les responsables espagnols n’offrent que sectarisme et désespoir aux centaines de milliers d’expatriés. La querelle au sein du parti socialiste entre prietistes et negrinistes sera particulièrement longue et décourageante. Quant aux autres formations, elles ne manifesteront pas un meilleur sens des responsabilités historiques.
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Le livret militaire, les saluts aux supérieurs, la mise en place de grades et de fonctions propres aux armées sont autant d’éléments étrangers à la culture de la résistance. Le résultat de cette métamorphose et de la méfiance des agents est l’apparition des méthodes staliniennes en terre de Galice.
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Le 28 septembre 1955, à l’occasion de la visite de Franco à Barcelone, il (« Quico » Sabaté) va jusqu’à fabriquer un mortier servant à inonder la zone de tracts. L’argent exproprié est intégralement employé à la cause révolutionnaire. Libertaire aussi austère qu’intransigeant, personne n’a jamais perçu chez Sabaté le moindre signe d’opulence, et sa compagne Leonor Castells Martí doit survivre en France en récurant les sols. Cet homme solidaire n’est généreux qu’avec les révolutionnaires, nul ne peut colporter qu’il s’enrichit dans son combat contre le franquisme.
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