Citations de Serge Brindeau (18)
NOIR SUR BLANC
Le verre d'eau
Posé
Sur la table des morts
Noir sur blanc
Les mots seront écrits
Comme ils le furent
Sur les terrasses du jardin
Les vagues sans leurs crêtes
Affranchies
Du chant de toutes les cigales
Porteront vers l'iris la barque vide
Le sel dissout la terre
Où resurgit l'eucalyptus
Il n'y aura plus d'hiver
Au cœur des mots
Au cœur des mots
Toujours les mêmes fleurs
Vous me parlez d’abeilles
De rameaux
De sève de cigales
Et du matin que vous avez dans l’âme
Et vous fermez les yeux
Sur les secrets de pleine ivresse
L’hiver
Vous le savez
Blanchit le soleil même
Essayez donc
De renverser le ciel sur votre table
LA NUIT LE JOUR
Transmise au cours des âges
Prendre la nuit pour le jour
Etait la parole coutumière
On dit encore que menace la pluie
Que les temps dans le soir ont changé
L'instant va-t-il couper
La perspective
Des premiers pas
Entre les ronces du sentier
Les grilles sont levées
Qui réduisaient le parc
A n'être plus qu'absence de soleil
Regarder l'heure
Confond les brumes du silence
L'hiver sans neige
Blanchit les souvenirs
HERBES
une odeur de menthe chaude
aux lèvres de l'enfant
je suis mortel
mais j'aime
une prairie s'étonne
le bois craque
de penser
le jour vibre
de l'eau fraîche
au corps fragile de l'insecte
j'ai des ailes
je les brûle.
RIVIÈRE DÉPOSÉE
Rivière déposée
Fuite immobile dans le temps
Indigo proche
Prairie levée
Inversée sur son orbe
Inclinaison variable de l’auvent
Toujours fenêtre claire
Dans l’absence de poids
Paroi du fond
Supporte ovoïdes planètes
Griffures si l’on descend
L’arrête du visage à l’intérieur
Chute en chanfrein
Question posée…
Question posée
L'arbre
Toujours le même s'élargit
Crève la toile fait craquer
Les articulations de ses branches
Sur la cour de la ferme
L'été choque ses poussières
Au cristal des épis
Le temps me presse de questions
J'interroge mes yeux
Dans le miroir de l'air
J'ensevelis mes paysages sous le sable
Je descends du Soleil
Je roule vers la source
L'avenir
En trainées d'herbe me poursuit
J'écrase l'ombre des ruisseaux
Des roses me font mal
Qui sèchent aux barrières
Travaillez gens du soir
Et buvez l'eau de tous les baptêmes
La gerbe reste aux bras d'un prêtre nu.
LA VAGUE
La vague aura-t-elle raison
de nos corps Le sel est offert
en partage à qui peut oublier le
lien de sa naissance aux meurtrières
La vue s’étend de là
jusqu’à la pointe du compas
Le monde a pivoté bien des fois
depuis ce jour
et les piques s’enfoncent
dans les algues le roc
Les défenseurs on les attend pour
les nuages où toute flèche
finalement s’émousse
avant qu’il pleuve sur la plage
INTIMITÉ
L’accordéon déplie pour eux
Les moisissures de l’espace
Comme aux lèvres le sel
Et le soleil aux plantes
La nuit leur est offerte
Leurs yeux prolongent la terre
Ils ont la montagne et le ciel
À portée de la main
Et quand ils se regardent
Le jour s’engouffre dans leur tombe
Retrouver la chaleur sur le seuil…
Retrouver la chaleur sur le seuil
Et l'eau si pure de mon verre
Que partir vers la mer
Ne me serait plus rien
Le pont sur l'Huisne a fait naufrage
Et tout le sable est dans le ciel
---------------------------
Tu disposais des fleurs…
Tu disposais des fleurs
Sur les murs du jardin
Au creux de toute chose
Un soleil s'est éteint
Un lézard m'a fait signe
Et j'ai tendu la main
Je parlais d'une rose
Nous étions en chemin
---------------------------
SILENCE DE L’ECHO
Silence de l’écho
Répète Amour et mort
À l’intervalle
Cristaux ― dira la voix ―
Portés par le mercure
Et ce visage
Éclaire un peu le phare
LE SOIR
Le soir
brûle ses orties
sur les paupières
du garçon que je fus
Un chat
noir et jaune
me saute à la gorge
On parle aux hommes cependant
La fumée sent les noisettes mûres
Un buisson de lierre…
Un buisson de lierre
Une trouée d'air
Au milieu de l'eau morte
Une parole blanche sous la lampe
Comme l'ombre d'un fruit
Pour apaiser la soif
---------------------------
Les planches…
Les planches sont toujours là
Et les acanthes l'ocre jaune
La guerre n' rien changé
Le bleu s'achève sur la table
Chaque parcelle de vitrail
A déchiré le ciel entre mes veines
---------------------------
Dissiper le rêve…
Dissiper le rêve odorant des ravins
Un feu de paille ne savait
La nuit toujours creusait la même tombe
La nuit refus de l'herbe Ma brûlure
O squelette d'un arbre à jamais
---------------------------
Soleil irréfutable mort…
Soleil Irréfutable mort
Cendre chaude jetée à tous les vents
Énergie-mère ivresse métallique
Naissance cris et rires Préconisez
Chassez — Prophètes — la Volupté
Agonie train d'esclaves débarras
Fleur noire collée sur la vitre
Hébétude décor en carton-pâte
Frissons d'espace émergés de l'orage
Étranglement prolongé comme un rêve
Insurrection. Résurrection.
Soleil luxure étrange
Rocher du Temps.
LUMIÈRES ET CHEMINS
Extrait 2
C'est vrai que son costume religieux
Lui faisait comme à l'historiographe
Une main de safran
Mais j'ai appris à mourir avec la Tour Eiffel
Avec les grands blés mûrs issus des bouches de métro
Si j'avais retenu le dur silence de la terre
Je ne graverais plus sur la glace
Mes amours de fil de fer barbelé
J'irais vers le Soleil
Je porterais en mon regard
Un temps fidèle aux origines
Ah ! jette au feu la clé du soir
Le parquet du bon Dieu
Entrouvre les fleurs vives
Très belles
De tes poignets
Je me souviens de la mer grise
Un jour de joie rituelle.
LUMIÈRES ET CHEMINS
Extrait 1
Rue de Turenne
Si je me souvenais de la lumière
Je n'irais pas vers cette chambre d'hôtel
Où trois arbres dépareillés m'attendent
Je ne découperais pas mes poèmes
Dans la toile cirée du langage des sages
Je ne parlerais pas de luzerne de cerfeuil
de framboisiers de cendriers de léopards
Je ne dirais pas la putain rue Nicolas-Flamel
Ni la rivière de son cou
Ni ses cheveux mêlés à l'odeur de la Seine
Si lente
Depuis la nuit toute blanche du premier jour
…