AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


J’étais petit. Mon village était petit, je le sus après. Mais quand j’étais petit, il était grand pour moi, grand à me faire peur quand je devais me déplacer d’un bout à l’autre.
C’était comme si je devais traverser sept pays et trois continents, autant de mers et autant de montagnes. Comme si je faisais le tour des cieux en hauteur et le tour des terres en profondeur. À chaque cent mètres, je changeais de territoire, je changeais de peau.
Tour à tour, j’étais le voisin, le cousin, l’étranger. J’étais l’enfant de l’ennemi, l’enfant des proscrits, un enfant égaré, perdu ou presque, qu’on essayait de mettre sur le chemin du retour ou de l’accompagner jusqu’à ses parents quand la bonté poussait un peu plus loin. La démarche, la parole, les cris ou les pleurs changeaient selon que je sois l’un ou l’autre, que j’aille dans une direction ou l’autre. Les débordements, les cris de joie et de jeux cédaient progressivement la place aux coups d’œil apeurés, aux renfermements, aux angoisses et inquiétudes quand le trajet de notre maison était de notre maison vers le village et le sens des émotions se renversait quand le trajet était dans le sens inverse, du dehors vers chez nous.
Bien sûr, il y avait la maison d’un tel oncle par-ci, la maison d’une telle tante par-là, sortes d’oasis sur le passage qui, d’un sourire, nous éclaircissaient le visage, nous donnaient une assurance pendant quelques pas. Mais cela passait vite et le trajet se prolongeait vers d’autres territoires jusqu’à nous emmener au paradis promis qu’était la maison de la grand-mère, la mère de ma mère, à l’autre bout du village.
L’ami, l’ennemi, l’étranger, le domestiqué et le sauvage, le champ et la forêt, la vallée et la montagne s’étalaient ainsi sur une longueur de quatre et une largeur de deux kilomètres que je parcourais dans tous les sens avec de plus en plus d’aisance au fur et à mesure que grandissait la distance que je pouvais couvrir en une seule enjambée.
Commenter  J’apprécie          370





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}