J'ai été très bien élevée. Pour preuve première d'une affirmation aussi catégorique, je dirai que je n'avais pas plus de trois ans lorsque mon père me donna à boire un plein verre à liqueur d'un vin mordoré, envoyé de son Midi natal : le muscat de Frontignan.
Coup de soleil, choc voluptueux, illumination des papilles neuves ! Ce sacre me rendit à jamais digne du vin. Un peu plus tard j'appris à vider mon gobelet de vin chaud, aromatisé de cannelle et de citron, en dînant de châtaignes bouillies. A l'âge où l'on lit à peine, j'épelai, goutte à goutte, des bordeaux rouges anciens et légers, d'éblouissants Yquem.