AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de sonatem


     
En janvier 1950, je suis donc partie avec mon mari à Wiesbaden, au bord du Rhin. Pour moi, ce n’était plus le même pays, ni le même peuple, je n’arrivais pas à recoller le présent avec le passé et, de ce fait, je ne ressentais aucune haine. Ce que j’avais vécu était absolument hors-normes. Cela ne se rattachait pas au quotidien, que ce soit en France ou en Allemagne. Cela se passait cinq ans après la guerre. Nous vivions en zone d’occupation américaine et rencontrions surtout des Français et des Américains. À peine si nous croisions des Allemands dans les magasins. Mes deux fils aînés, cependant, ont été au Kindergarten, le jardin d’enfants allemand, où ils ont commencé à apprendre la langue. Pour ma part, je n’ai jamais appris l’allemand.
     
Dans cette Allemagne de l’après-guerre, rien ne me rappelait le monde des camps. Les gens vivaient normalement, ils n’aboyaient plus. Il était devenu impossible de penser à ce qu’était l’Allemagne cinq ans auparavant.
Plus tard, en entrant au Parlement européen, j’ai rencontré des Allemands déjà adultes sous le IIIè Reich et je me suis posé cette question, lancinante à l’époque : « Que faisaient-ils, où étaient-ils dans ces années-là ? »
Je me demande toujours comment une telle monstruosité a pu jaillir, avant la guerre, d’un pays aussi développé, aussi cultivé que l’Allemagne. Un jour, j’ai posé la question à Yehudi Menuhin, rencontré à Strasbourg le temps d’un concert. C’était non seulement un grand musicien mais un homme d’une culture très étendue.
Selon lui, rien ne permettait d’expliquer l’horreur nazie.
La culture allemande si raffinée, n’avait pas fait barrage.
La musique, si jouée, si aimée dans ce pays, n’avait servi à rien.
     
L’histoire de l’Allemagne et des Juifs est vraiment particulière. Au début du XIXème siècle, les discriminations contre les Juifs ont diminué un peu partout en Europe. En France, les Juifs sont devenus citoyens en 1805. Ailleurs, ce fut la fin des ghettos, même si les pogroms ont persisté, surtout en Europe de l’Est, et même s’il subsistait des discriminations professionnelles. Telle fut la tendance générale jusqu’au début des années 1930.
     
L’Allemagne, elle, avait une culture particulière, ancienne, plus favorable aux Juifs que dans bien des pays d’Europe. Les grandes villes de Rhénanie, en particulier, comptaient depuis toujours d’importantes communautés juives, protégées depuis des temps reculés par un statut particulier. Les anciennes villes franches rhénanes offraient aux Juifs une condition privilégiée, si on la compare au reste de la chrétienté. Or, c’est là, en Rhénanie, qu’on lieu les premières grandes rafles allemandes.
Les Juifs de cette région ont été parmi les premiers à fuir en France. Certains ont d’ailleurs été internés au camp de Gurs avant de partir en déportation.
Le nazisme a donc balayé la tradition allemande et il a effacé le courant moderniste, la tolérance issue des Lumières.
     
(pp. 109-111)
Commenter  J’apprécie          100





Ont apprécié cette citation (6)voir plus




{* *}