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Citation de babel95


L'heure était grave mais Capestan était flic. Une sorte de sonde réflexe relevait les détails, fouillait alentour, analysait les données. Et dans cette grande pièce, nulle part elle ne distingua la trace d'une femme, d'enfants nés ou à naître. Rien n’indiquait qu’il reçût des visites. Paul semblait célibataire. Capestan sentit sourdre une étrange joie qui envahissait son plexus, repoussant, écrasant dans les coins le ressentiment et les vieilles traces de colère. Ils reprendraient bientôt leur place. Elle ne voulait pas de cette joie. Elle se reprocha même de l'éprouver.
Le coin d'un cadre retourné qui dépassait derrière le grand vaisselier à côté de la cuisine attira son attention. Elle le reconnaissait, surgi d'un passé tellement lointain qu'il en devenait improbable. Ce cadre, elle l'avait confectionné elle-même, pour les trente ans de Paul. Un mètre sur deux, en relief. Une compilation de photos, tickets de cinéma, cailloux, places de concerts, plumes de mouettes et autres petits souvenirs de leurs épisodes à deux. A cette époque, la star avait tout et les cadeaux ne le surprenaient plus. Mais il était resté figé, heureux, content, devant ce machin inaccrochable. On ne lui avait jamais rien fabriqué. Quinze ans plus tard, Anne se demandait encore ce qui lui avait pris. Elle comme lui étaient la pudeur incarnée et jamais ils n'avaient pu afficher ainsi leur histoire. Ils avaient passé les années suivantes à planquer ce cadre dans leurs appartement successifs. Sans jamais se résoudre à le jeter, ni même à le descendre dans une cave.
Attendrie malgré elle, elle posa les yeux sur Paul. Sa mèche légèrement fauve masquait un regard du même or.
Il ne pleurait pas.
A sa place non plus, Capestan n'aurait pas pleuré ce père.
La douleur pourtant tirait ses traits et serrait sa mâchoire.
Peut-être qu'Anne était censée prononcer quelques mots, peut-être qu'elle devait le consoler, qu'elle voulait le consoler. Mais elle resta là immobile, à préférer hésiter.
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