AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de missmolko1


Les paquebots avaient toujours semblé à Juana des bêtes vivantes et carnassières, de grands cétacés aux ventres de métal, assouvissant une avidité en tous points semblable aux plaies bibliques, telle la baleine qui avait englouti Jonas. Elle voyait depuis qu'elle était enfant ces mastodontes badigeonnés d'huile et de goudron entrainer au bout du monde, avec le magnétisme tellurique des grands exodes collectifs, des pères, des frères, des fiancés. Lors de la grande famine de 1905, jusqu'à la moitié de la vallée du Salnés avait émigré. Et voici maintenant que , debout sur la jetée, au milieu de milliers d'hommes et de femmes, elle se trouvait de nouveau face à un paquebot. Jamais la vie ne lui avait donné une image aussi forte de la peur de la séparation que ces châteaux forts rongés par la rouille, aux cordages gorgés de salpêtre et aux immenses cheminées bleues, rouge et ocre d’où s’échappait, à chaque mugissement des chaudières, une longue et lugubre fumée. Les hommes d'équipage étaient pour elle des fourmis, en regard des ancres qui s’avançaient entre les fenêtres à guillotine de la première classe. Elle regarda dans la direction des cabines, agita depuis la jetée son mouchoir blanc dans l'espoir d'apercevoir la petite une dernière fois, mais c'est à cet instant que l’immense grue d'acier se mit à hisser les bagages, lui bouchant la vue. Lorsque le navire leva l'ancre au môle de Vigo, il tombait une pluie salée qu'elle ne distinguait pas des larmes qui lui embuaient les yeux.
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}