Suzanne Jacques-Marin

On observe en général beaucoup de choses, mais on les regarde mal, quoiqu'on ne manque ni de lunettes ni de microscopes. Les objets qui intéressent le plus la curiosité sont tous ou trop petits ou trop grands. Les yeux s'y perdent, ce qu'on croit apercevoir, on ne fait souvent que se le figurer: de là vient que vis-à-vis du même objet, l'un voit une chose, l'autre une autre chose, et souvent aucun ne voit ce qui est en réalité.

Clémence la pauvresse qui accoucha d'une petite fille qu'elle avait mise au monde seule, avait toujours été douce et si attentive, que Petite Jeanne gardait de son enfance cette paix intérieure que donne la certitude d'avoir été aimée dès le départ, jour après jour.

Quant à Charles, il aimait observer la minutie lente que Petite Jeanne mettait à faire chaque chose. Il émanait d'elle une sorte de calme si intense qu'il avait parfois envie de la prier de rester à ses côtés. Comme ça. A ne rien faire. Uniquement pour le plaisir de partager son silence. Et de ne pas éprouver de gêne de ce silence-là.

Nous voyons bien qu'une plante naît d'une autre plante, un animal d'un autre animal. Mais les premières de toutes ces plantes, le premier de tous ces animaux, qui leur a donné l'être ? Nous voyons bien que le feu est un principe d'activité qui met toute la nature en mouvement, mais ce principe lui-même, quelle main l'a mis en jeu ?