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Citation de enkidu_


En ce début de siècle 21, nous autres, huit milliards d’humains, asservissions la nature avec passion. Nous lessivions les sols, acidifiions les eaux, asphyxiions les airs. Un rapport de la Société zoologique britannique établissait à 60 % la proportion d’espèces sauvages disparues en cinq décennies. Le monde reculait, la vie se retirait, les dieux se cachaient. La race humaine se portait bien. Elle bâtissait les conditions de son enfer, s’apprêtait à franchir la barre des dix milliards d’individus. Les plus optimistes se félicitaient de la possibilité d’un globe peuplé de quatorze milliards d’hommes. Si la vie se résumait à l’assouvissement des besoins biologiques en vue de la reproduction de l’espèce, la perspective était encourageante : nous pourrions copuler dans des cubes de béton connectés au Wifi en mangeant des insectes. Mais si l’on demandait à notre passage sur la Terre sa part de beauté et si la vie était une partie jouée dans un jardin magique, la disparition des bêtes s’avérait une nouvelle atroce. La pire de toutes. Elle avait été accueillie dans l’indifférence. Le cheminot défend le cheminot. L’homme se préoccupe de l’homme. L’humanisme est un syndicalisme comme un autre.

La dégradation du monde s’accompagnait d’une espérance frénétique en un avenir meilleur. Plus le réel se dégradait, plus retentissaient les imprécations messianiques. Il y avait un lien proportionnel entre la dévastation du vivant et le double mouvement d’oubli du passé et de supplique à l’avenir.

« Demain, mieux qu’aujourd’hui », slogan hideux de la modernité. Les hommes politiques promettaient des réformes (« le changement », jappaient-ils !), les croyants attendaient une vie éternelle, les laborantins de la Silicon Valley nous annonçaient un homme augmenté. En bref, il fallait patienter, les lendemains chanteraient. C’était la même rengaine : « Puisque ce monde est bousillé, ménageons nos issues de secours ! » Hommes de science, hommes politiques et hommes de foi se pressaient au portillon des espérances. En revanche, pour conserver ce qui nous avait été remis, il n’y avait pas grand monde.
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