Sylvie Domenjoud

Capucine

Capucine, fleur des jardins
pleine de rires sans fin
attends l'heure du midi
pour fleurir au balcon de la vie

Le regard de ta mère te glace
rouge tu es, rouge tu dois être.
Capucine en disgrâce
tu te caches parmi tes frères

Feuilles glauques sur la glace
pétales en bataille
pleine d'audace
Capucine tu batailles

En rouge sur fond blanc
la saison passe
le désir de ta mère se tasse
rouge tu es, rouge tu peux être

Capucine fleur des jardins
éclate de joie
au lendemain
d'un hiver trop froid.

(p. 31)

Un jardin
Un vrai jardin,
C'est là où les enfants
Les genoux égratignés
Découvrent la réalité.

(p. 9)

Étrange-thé

Par un doux soir d'été
se dévoila le mystère du thé
dans sa robe chamarrée
au fond d'un petit café.
Il invitait à la lecture,
lors d'une cérémonie
pleine d'harmonie,
de la bonne aventure :

« Vous goûterez
plaisir et volupté
amour et amitié
à partager l'intimité
de cette étrange-thé ».

(p. 75)

On solde aujourd'hui
Des phrases à moitié prix
Pas de reprise
On ne détaille pas les mots
Profitez du lot
Admirez le verbe
Qui se ferait
Chair
S'il passait à l'action
En qualifiant les attributs du sujet
D'impropres à la consommation
Ne cherchez pas plus loin
L'article EST
Tout simplement
Et en nom propre
Je vous fais l'article
Affaire de votre vie
Pour donner du cœur
À votre parole d'honneur.

(p. 43)

Mots de crâne
À cogner comme des ânes
Aux limites de mon âme
Vous heurtez mon esprit
Et mes idées s'enfuient
Dans un brouhaha
De mots à la volée
Emportés par le temps
Apportés par les courants
Diable au corps
Maux pour mots
À vous bousculer
Choquer, frapper
Mélange de style
Sans forme et sans allure
Maux de crâne
Qui s'agglutinent
Et guettent l'accalmie
Pour s'échapper
En mots d'esprit

La plume sergent-major

J'adore la plume sergent-major
qui caresse le papier
avec tendresse.
Rien ne lui échappe
sauf la goutte d'encre.
Guidée par le désir,
d'une telle dextérité
elle trace des pleins
et des déliés
avec une grande facilité
pour atteindre l'intense
plaisir d'une page bien remplie.

(p. 11)

Écrire

Écrire où
Écrire à genou
Le regard vers l'infini
Le cœur ouvert à la vie.

Écrire quand
Écrire à tout instant
Une pensée qui s'enfuit
Une main qui la saisit.

Écrire comment
Écrire au présent
Ces larmes qui ruissellent
Ces rires qui étincellent.

Écrire quoi
Écrire ce désarroi
De ce moment sans toi
De ce monde pour toi.

Écrire encore
Écrire des rêves d'alors
Des histoires sans retour
Des histoires d'amour.

(p. 7)

Un amour qui n'osait se dire
crayonna à l'encre bleue
sur papier sourire
quelques traces de feu.

(p. 21, début du poème Crayon-papier)

La valse des papiers

Le papier brouillon
plein de gribouillons
tout en ébullition
figura quelques mesures de partition.

Tandis que le papier crépon
jaloux du cent pour cent coton
froissé de se voir en accordéon
lui aurait volontiers crêpé le chignon.

Alors que le papier chiffon
fagoté de vieux torchon
déchira le papier de soie
entièrement centrée sur soi.

Voyant cela le papier de verre
malgré tout si poli
se mit en guerre
contre le papier émeri.

Du coup le papier buvard
s'épongea le front
chassant le journal bavard
et maculé de plomb.

Pendant ce temps, papier canson
trouva de bon ton
sans émettre un son
qu'on lui donne le ton,

mais le papier japon
pria le papier musique en demi-ton
de mettre fin à ces querelles
en entamant une ritournelle.

(pp. 8-9)

Concentré de jeunesse

Gommez quelques pensées
Afin de clarifier vos idées
Raffermissez la psyché
D'une pincée de laisser-aller
Purifiez votre réalité
D'un dé à coudre d'imaginaire
Apaisez vos journées agitées
D'une bouffée de rêves effrénés
Hydratez le moral
D'un rinçage affriolant
Après déshabille-âge
De votre entourage
Ajoutez quelques caresses anti-âge
Pour stimuler le gai–rire.