Sylvie Poignonec

C'est ainsi que notre monde devient idolâtre au sens où ce dont on rêve n'est plus un être mais son nez, ses seins, sa peau. on n'aime plus une personne mais une image fragmentée du corps de cette personne qu'on essaye d'incarner.

Nos contemporains veulent être beaux pour être aimés, mais on n'est beau que lorsqu'on aime. Terrible paradoxe.

Quand on aime, on ne juge pas et même les défauts de l'autre deviennent un sourire : « C'est bien lui ! » Nous avons tous rencontré ces personnes désintéressées, suffisamment unifiées et confiantes en elles-mêmes pour ne pas utiliser les autres comme faire-valoir ou de simples moyens, tels des objets de leur ego. L'amour est cette capacité à s'oublier pour considérer autrui. Désintéressé, il permet de lui rendre l'estime de soi jamais trouvée ou perdue dans les crises inévitables de l'existence.

Au fond, le beau fait naître l'irrationnel et le bien, et suscite des émotions rassurantes et troublantes.

Avant, les compétences professionnelles étaient le premier marqueur. Aujourd'hui, les gens auxquels on croit dans l'entreprise sont avant tout jeunes et séduisants.

Car l'acte de chirurgie est comme l'acte d'amour : tout commence avec les rendez-vous qui procèdent de la même mécanique que les rendez-vous amoureux. on s'y rend en tremblant. On s'y dérobe parfois.on s'y confie en espérant tout. on est dans l'analogie avec l'acte d'amour. (...) un médecin est frustré lorsqu'un rendez-vous est annulé par une patiente.

Le désir ne se satisfait pas de la réalité. C'est un manque ressenti non pas de quelque chose de réel mais de ce que cela symbolise en fonction d'un imaginaire qui propose un possible à l'infini. C'est ainsi que s'engager dans le désir, c'est poser en acte qu'on ne se satisfait pas de ce que la nature a donné. En retravaillant cette nature, l'homme nie quelque chose de lui-même qui lui a échappé jusque là, et il accède à la maîtrise de soi en accomplissant ce désir en acte. C'est une forme d'affirmation de sa toute puissance.

Se cacher la mort dans l'illusion et la fuite en avant dans l'addiction aux opérations sans fin ; ou accepter le compte à rebours du temps qui passe en construisant la beauté et l'amour pour se battre contre l'inéluctable, et, pourquoi pas, en utilisant les armes de la chirurgie... C'est finalement le choix devant lequel se trouve celle ou celui qui désire transformer son corps par la chirurgie esthétique. Toute femme l'éprouve intimement, les hommes parfois s'en aperçoivent... La beauté et le temps sont intimement liés en une énigme.

L'homme est susceptible d'une double perfection, à savoir d'une perfection première, qui est celle du corps, et d'une perfection dernière qui est celle de l'âme. [...] Il est évident aussi qu'on ne peut parvenir à cette dernière perfection sublime qu'après avoir obtenu la première; car il est impossible que l'homme, étant tourmenté par une douleur, par la faim, la soif, la chaleur ou le froid, saisisse même des idées qu'on voudrait lui faire comprendre et comment, à plus forte raison, pourrait-il en former de son propre mouvement ? Mais après être arrivé à la première perfection, il est possible d'arriver à la seconde, qui est indubitablement la plus noble, car c'est par elle seule que l'homme est immortel.

L'image envahi nos vies. Elle est icône, objet qui suscite des désirs ou des rejets. Mais ce n'est pas l'image en elle-même, c'est le regard que l'on porte sur elle qui importe. C'est le contexte qui décide. L'image peut aider en ce qu'elle peut améliorer l'estime de soi.

L'image optimisée du corps est censée véhiculer la beauté dans un magazine de papier glacé. Elle créé ainsi un standard esthétique qui correspond à une époque, et qui demain sera considéré comme duperie. Ainsi va l'image, dont les lettres mélangées forment « magie », son anagramme. L'image devient claire quand on connaît ses tours, comme le prestidigitateur qui perdrait son pouvoir si l'on dévoilait ses tours de magie.