Le romancier se redressa timidement.
- Eh bien, murmura-t-il, j'y vais.
Il porta le fruit sombre à ses lèvres.
Le flux franchit ses lèvres pour pénétrer dans sa bouche où il fut lentement broyé. Il fut sassé par les dents, la langue, les gencives. Il fut distribué, pétri, avant d'être rassemblé à nouveau. Le romancier demeurait assis, tous sens en éveil, l'ouïe aiguisée, et il observait attentivement le courant qui, sur sa langue, se scindait en plusieurs ruisseaux, en gouttes, se repoussant avant de s'attirer.
Romanée-Conti 1935