Lorsque passant la main dans son dos, il eut dégrafé son soutien-gorge, ses seins bombés jusqu'alors comme des proues tressaillirent soudain, se répandirent pour former sur son buste des arcs de cercle moelleux.
Elle choisit du melon avec du jambon de pays, lui, du boudin noir. Un boyau rempli de sang de porc, cuit à la vapeur, et servi avec de la purée de pommes de terre. Lorsque la lame de couteau l’incisait, se déversaient dans l’assiette blanche en dégageant une odeur chaude, particulière, divers éléments d’un brun presque noir, que l’on mangeait mélangés à un peu de purée. Il croyait se souvenir qu’ils avaient également bu un Graves dont il avait oublié l’année. Elle mangeait en silence, mais avec appétit, elle savait aussi apprécier le vin, et elle souriait parfois en lui jetant un regard à l’oblique par-delà le verre. Bientôt, sous l’effet du vin, un éclat couleur de rose se répandit lentement sur ses joues blafardes. Ses prunelles d’un bleu cendré étaient paisibles quand elle souriait, mais lorsqu’elle reprenait une expression ordinaire, le romancier, habitué à déchiffrer des prunelles noires, éprouvait une certaine angoisse.
- J’ai beaucoup bu durant ce voyage. C’est la première fois que je bois autant. Du bordeaux comme du bourgogne. S’agissant de bourgogne, en Côte d’or, tous les crus, Vougeot, Nuits-Saint-Georges, Gevrey-Chambertin… Et chaque fois, je m’arrangeais pour visiter les caves. Je buvais, dès que la griserie était passée je buvais à nouveau, si bien que j’étais dans un nuage dès le matin. J’avais le cerveau imbibé de vin ! Mais comme c’était toujours des crus d’exception, jamais l’ivresse n’a été pénible. Si le vin est bon, on peut boire et manger sans en souffrir. Bien au contraire, on éprouverait une sensation de légèreté. C’est ce que j’ai compris.
Quant à la Romanée-Conti… Là aussi, j’ai visité le domaine de fond en comble et je n’ai pas été déçu. Le vignoble, les caves aussi. Il n’y a pas une machine. Dans la pénombre, un bonhomme, tout seul, en train de boucher les bouteilles. C’est tout. Coller les étiquettes est la tâche des femmes, mais elles aussi ne sont que deux. Elles sont assises face à face à l’extérieur des caves et travaillent sans bruit. La manufacture primitive. A l’état pur. Le travail manuel, sans mélange. Je dois dire que c’était émouvant. Une vision idyllique. C’est sans doute le cas de dire : Que c’est bon, nom de nom !
A vingt ans, on ne choisit pas.
A trente, le Bourgogne vous séduit.
A quarante, le Carmel, ou encore le Bordeaux.
A cinquante, on ne boit plus, on apprécie.
… quand le vin est bon et le repas équilibré, on a beau boire et manger, on n’en souffre pas. Ça n’endort pas, et ça ne soûle pas. […] J’avais l’esprit clair, limpide. C’était donc ça, la sublimation, me suis-je dit. Poussé à l’extrême, l’appétit prend une dimension spirituelle. Une expérience enrichissante.
- C'est que dehors il pleut à verse !
- Oui mais au-dessus de nos têtes
la baraque est en train de flamber !
Quand on risque de périr cramé
se faire tremper comme un rat
ça n'est rien du tout, crois-moi !
A vingt ans, on ne choisit pas.
A trente, le bourgogne vous séduit.
A quarante, le carmel, ou encore le bordeaux.
A cinquante, on ne boit plus, on apprécie.
La muraille avait pour matériau notre honte, notre humiliation et notre apathie, pétries avec l'eau dans les briques.Hormis l'enceinte, nous étions incapables de concevoir aucun autre moyen de résistance.
( Picquier Poche, 2001, p.28 )
La Muraille est un gaspillage d'efforts, un gaspillage intégral. Il saute aux yeux qu'elle remplit aussi peu sa fonction défensive que l'enceinte de ma ville natale. Autant vouloir supprimer le vent en dressant un mur contre lui.