L’enfant
À Paul, mon petit frère
L’enfant a dit à la pierre :
« Tu as tant d’eau cachée en toi ;
Quand le chagrin voudra me dévorer,
Apprends-moi à pleurer »
L’enfant a dit à l’herbe :
« Tu es le sein vert des vaches,
Le lait qui jaillira de leurs pis ;
Apprends-moi la vie »
L’enfant a dit au vent :
« Tu es doux et violent
Comme un homme désarmé ;
Apprends-moi à chanter »
L’enfant a dit à la fontaine :
« Tu es un ruisseau enfermé,
Mais ton eau est toute pureté ;
Apprends-moi la liberté »
L’enfant a dit à l’arbre :
« Tu es un géant silencieux
Quand tu respires ;
Apprends-moi à grandir »
L’enfant a dit au feu :
« Tu rugis, lion jaune et rouge,
Et tu ne crains pas le noir ;
Apprends-moi la danse de l’espoir »
L’enfant a dit à la nuit :
« Prends garde ! le jour va te manger
Dans sa bouche d’or ;
Apprends-moi la venue de l’aurore »
L’enfant a dit à la terre :
« Tu es allongée, douce et chaude
Comme une femme qui va accoucher ;
Apprends-moi donc à aimer »
L’enfant a dit à la lune :
« Tu es un sabre ou un ballon
Et ton feu blanc me protège du froid ;
Apprends-moi la joie »
L’enfant a dit au soleil :
« Tu es bon comme une grosse boule de pain
Et ton feu jaune éclaire les hommes ;
Apprends-moi qui nous sommes »
(p. 69-70)