Heureusement, Doc m'avait redonné goût aux conversations anti-hypocrisie. Nous jouissions littéralement à deviser comme de grands penseurs de terrain. Nous étions si hauts sur le macadam, si imprégnés de la grisaille humaine. Des explorateurs du quotidien ! Nous transcendions notre médiocrité par l'assurance que nous avions de notre propre insuffisance. Ne pas croire en soi est la meilleure façon de prendre confiance. Sans pression l'esprit se libère, pur joyau, capable avec rien de pas grand chose, mais progressant à chaque minute gagnée sur le carcan du conformisme. Enfin, c'est ce que je croyais au jour d'aujourd'hui. À quarante ans passés.
Il n'est de liberté qui ne s'allie à l'errance. Celle de nos esprits était une vraie vadrouille, sans tabous, sans gênes, presque sans issue car sans structure aucune. Une sacrée belle amante toutefois. (…) J'en avais suivi des moins gaulées, dans le temps, des idées toutes faites que je croyais nouvelles. Des pensées de merdeux qui se prenaient pour des déesses. Il est d'ailleurs étrange de constater que c'est au plus fort de la jeunesse, là où l'esprit est eau vive, que l'on s'attache aux idées les plus fixes, sectaires et démagos du monde.
– Tes copains, Larbi, tu es sûr d’eux ?
– Comme toi de ta femme.
– Tu n’as pas autre chose comme comparaison ?
Au début, c’est un peu écœurant de trinquer avec un flic, et puis c’est comme tout, on s’y habitue.
Seuls les perdants m’intéressent.