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Citation de Molloy


Le seul son qu’on entendit à présent dans la chambre était le râle assourdi de Ben. Il ne suffoquait plus ; il ne donnait aucun signe de vie ou de lutte. Ses yeux étaient presque fermés. Il gisait calmement sur le dos, très droit, sans avoir l’air de souffrir, sa figure osseuse curieusement projetée en avant. Ses mâchoires étaient étroitement serrées. Déjà, hormis son faible râle, il semblait mort – il avait l’air détaché, de ne plus faire partie de l’atroce mécanisme qui produisait ce son et venait leur rappeler le terrible travail chimique de la chair, la vanité des illusions et tout ce qu’il y a de dérisoire dans les croyances au mystérieux envol de l’âme et à une autre vie.
Ben était mort, il ne subsistait que le lent désamorçage de la machine usée et le râle effroyable dont l’automatisme n’avait plus rien à voir avec lui. Il était mort.
Cependant, au milieu de leur profond silence, un sentiment d’étonnement se fit jour. Ils évoquèrent l’étrange solitude de sa vie errante, ils se rappelèrent des milliers d’actes et d’instants oubliés – et dans tous leurs souvenirs surnageait quelque chose qui leur semblait à présent surnaturel, mystérieux : il avait traversé leurs vies comme une ombre ; ils contemplèrent maintenant sa carcasse crayeuse, dépouillée, avec le tressaillement qu’on éprouve lorsqu’on se souvient subitement d’une locution oubliée, enchanteresse, ou comme feraient des hommes qui, croyant se trouver devant un cadavre, voient pour la première fois les restes d’un dieu.
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