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Citation de mymy37


Ce lundi matin de mai, Annick Bondy était arrivée la première dans les locaux de l’agence de Relations Presse et Relations publiques qu’elle avait créée quinze années auparavant. Elle aimait ce moment solitaire, quand le grand open space était encore silencieux. Ses deux chiens sur les talons – deux bouledogues français blancs à panachures fauves respectivement dénommés Dolce et Gabbana – elle inspecta l’alignement en U des tables de travail, souleva les rideaux de toile grège pour vérifier si, dans les espaces de rangement creusés le long des murs, la disposition des produits sur les étagères et l’alignement des vêtements sur les portants avaient été respectés. Annick Bondy détestait le désordre. Ainsi qu’elle aimait à le répéter, « dans un métier d’image, l’identité visuelle est essentielle ». Aussi avait-elle façonné cet univers « ethnique-high tech », et elle entendait bien y faire respecter sa haute vision du métier des Relations publiques. À l’agence Bondy, un Apple à écran plat trônait sur chaque bureau composé d’un tréteau de bois brut et d’un caisson à tiroirs en acier. Sur le parquet de larges lames de chêne couraient çà et là de grands kilims colorés. À l’entrée, encadré par deux hautes tentures de velours pourpre, trônait un impressionnant et authentique totem amérindien, porte-bonheur de la présidente qui vouait une passion très chic aux peuples natifs du continent américain. Le visiteur qui entrait sous la verrière eiffelienne de cette ancienne imprimerie du VIIe arrondissement devait comprendre au premier regard qu’il se trouvait dans un temple de la tendance. Rien de ce qui se passait dans les domaines du luxe, de la mode, du design, de la beauté, du fooding ou de la décoration n’était étranger aux ravissantes attachées de presse de la « tribu » Bondy. Ce mot même de tribu ayant été précisément adopté par Annick, tant pour sa cohérence avec l’univers qu’elle avait créé – en référence au totem, à la fois pièce maîtresse du décor et logo de l’agence – que pour son utilisation frénétique par la presse hype. Tout comme elle appréciait le surnom de « Grande Chef » dont la gratifiaient les attachées de presse entre elles, totalement raccord avec les codes de l’agence.
À cet instant de son inspection, Annick fronça virtuellement une paire de sourcils réprobateurs, immobilisés par une dose mensuelle de botox : un bloc-notes était abandonné sur la table de travail de Camille. Or, les filles avaient la consigne expresse de ne rien laisser traîner sur leur bureau à la fin de la journée, exception faite d’une boîte à crayons en bois, rapportée en dix-huit exemplaires de Zanzibar. S’approchant de l’objet du délit, Annick constata avec dégoût qu’il s’agissait d’un banal bloc Rhodia à couverture orange. Saisissant rageusement un post-it blanc (toujours blanc, plus élégant), elle griffonna d’une main rapide « Sais-tu qu’un seul objet non rangé peut créer une sensation de confusion dans une pièce parfaitement ordonnée ? Merci d’y penser à l’avenir. PS : seuls les blocs à couverture beige de chez Muji correspondent aux codes visuels de l’agence ».
Pour désamorcer ce subit accès de colère, Annick Bondy s’enferma dans son bureau, seule pièce close de ce grand espace convivial, et se mit à passer l’aspirateur.
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