Ursula K. Le Guin

Beaucoup de lecteurs et de critiques, et la plupart des éditeurs, parlent du style comme si c'était un ingrédient d'un livre, comme le sucre dans un gâteau, ou encore quelque chose que l'on ajoute au livre, comme du glaçage sur un gâteau. Alors que le style, bien entendu, est tout le livre. Si l'on enlève le gâteau, il ne reste plus qu'une recette ; si l'on enlève le style, il ne reste plus que le résumé de l'intrigue. [...] Du point de vue de l'écrivain, le style est tout l'écrivain, car il ne se résume pas à l'utilisation que l'on fait du langage. Ce n'est pas du maniérisme ou de l'affectation (encore qu'il puisse bien être maniéré ou affecté). Il ne peut pas ne pas y avoir de style, quoiqu'il s'en trouve pour affirmer qu'ils se contentent de « dire les choses » quand ils écrivent. On ne peut pas écrire sans style. Sans lui, il n'y a rien ; il nous dit ce que voit l'écrivain, comment il parle. Le style est le point de vue de l'écrivain sur le monde, sa façon de le comprendre, sa voix.