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Citations de Vahé Godel (25)


Vahé Godel
Un vieil arbre


ayant appris notre existence
un vieil arbre s'apprête à franchir la montagne
et le fleuve
           pour venir s'étendre sans bruit
auprès de nous
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Vahé Godel
Nous habitions alors
  
  
  
  
Nous habitions alors
une pierre
ponce

nous allions
bouche cousue
de trou en trou

autour de nous
la cohue
roucoulait

les jours avaient le plumage
et l'œil roux
des pigeons
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Vahé Godel
Cher ami ce matin
à Gellu Naum


cher ami
ce matin vos derniers poèmes
ont traversé les mansardes
tel un mince banc de truites
nous irons les relire au clair de lune
quand les enfants auront quitté la rive
je vous écris d'une haute vallée
surplombant le brouillard
au flanc des maisons s'amoncellent rougeâtres
des éclats de mélèzes fraîchement coupés
(en trouve-t-on dans vos montagnes ?)
nous vivons de lichen de seigle de résine
c'est un hameau à l'écorce rugueuse
toute noircie par les neiges
vous brûlez me dites-vous de traduire Théophile
quelle joie de vous savoir debout
votre langue est irriguée de murmures d'œillades
comme les palais arabes
ce soir en relisant vos poèmes
sur un chemin lumineux qui longe une forêt
nous goûterons tout ensemble
« la liberté du silence » (dont parle Théophile)
et le silence de la liberté
l'été s'achève
le foin tressaille dans les fenils
je vous serre les mains
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Vahé Godel
  L'envers du tableau noir


   le seul souci du maître :
        nourrir l'élève
       – son seul espoir
          son rêve :
   lui apprendre à mourir
 pour qu'il puisse renaître
      (lui faire découvrir
 l'envers du tableau noir)
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Vahé Godel
JÉSUS-CHRIST
extrait 2
  
  
  
  
Jésus-Christ est mort un dimanche,
à La Chaux-de-Fonds,
il s'était tiré une balle de mousqueton
dans la mâchoire.

Jésus-Christ est mort de la peste noire,
à Florence, au quatorzième siècle.

Jésus-Christ est mort d'un coup de sang,
dans les bras de Gerta la Rousse,
à Sankt-Pauli.

Jésus-Christ est mort sur l'autoroute,
au volant d'une Maserati.

Jésus-Christ est mort aux Thermopyles,
à Marignan, à Stalingrad,
à Hiroshima.

Jésus-Christ est mort à la fleur de l'âge,
lors d'une émeute, en pleine rue,
mitraillé par les forces de l'ordre.

Jésus-Christ est mort dans l'Arve,
en pleine crue,
on n'a pas découvert son cadavre.
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Murs sans fenêtres
Portes closes


IV

Ici nul remous nulle
saillie nulle lueur

il n’est pas jusqu’aux murs
qui n’étouffent leurs cris
il n’est pas jusqu’aux portes
qui ne brûlent de fuir

tout demeure au point mort

(enfoui sous les seuils
quelque chose
          venu
du large
      attend son heure)
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— que voyons-nous au juste ?
— ce qui reste — que reste-t-il ?
— rien qui ne doive disparaître
(disparaissant la moindre trace
nous montrant le chemin)
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  Prendre racine, prendre corps - prendre langue... Percevoir toute la ramure à travers le réseau clandestin des racines – comme l’aveugle à qui les moindres inflexions d’une voix révèlent ce qu’un regard exprime de plus secret, comme un chasseur aux yeux bandés qui n’aurait nulle autre arme que son flair.
Trouver une langue, oui, ou plutôt retrouver celle qui sommeille, survivante, au tréfonds de soi-même – la langue des racines. Voilà pour la langue ; voilà pour les racines. Mais le corps ? que dire de ce corps ? (les entrailles me brûlent), cette forge, ce monde, ce raccourci d’atomes (je meurs de soif), toute cette machine composée d’os et de chair, telle qu’elle paraît en cadavre (j’étouffe, je ne puis crier), ce tout, ce néant (on ne part pas), corps étranger, corps mutilé (crevés les yeux ! coupée la langue !), dispersé, perdu, dissous, obscurci (m’illumine mon ombre !), le recueillir, oui, l’élever , le porter doucement jusqu’aux plus hautes branches, l’attacher à la cime du plus bel arbre (je suis, j’existe : cela est certain ; mais combien de temps ?), ou plutôt l’enfouir : qu’il s’abreuve sans hâte du lait noir des racines, qu’il boive longuement les paroles de l’humus, qu’il s’imprègne du souffle des profondeurs, qu’il se gorge du silence houleux des galaxies... au point de n’être plus lui-même que racine, langue, souffle, silence. Oui, quoi qu’il advienne, demeurer à l’écoute, ouvrir l’œil, oui : solidaire du sol, complice de l’espace. Percevoir à travers ce corps l’arbre du clan dans sa totalité – le blason du destin. Voilà pour le corps. (Mais moi, qui suis-je ?)
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À force d'être
silencieux et nus
dépourvus de fenêtres

les murs m'ont revêtu
de leur ombre de leur silence
et de leur dénuement
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Une allée revêtue de gravillon rougeâtre, bordée de grands arbres aux feuillages mobiles, entre les troncs desquels on découvre de de vastes zones d'ombres ocellées de lumière où s'exténuent des gerbes cramoisies, conduit à la lisière d'un bois de résineux, et là, se divise en deux chemins herbus qui, à leur tour, se ramifient, mais en tout sens, d'une manière imprévisible, sinuant, s'entrecroisant parmi nombre de touffes, de massifs, de fourrés, parmi d'étranges lacis de vrilles, de lianes volubiles, de tiges flavescentes, qui grimpent dans les ramures, se mêlent aux feuillages, puis s'inclinent vers la terre, comme pour rejoindre leurs origines.
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Un dédale où se confondent le geste et la parole : où chaque voix traçant sa propre danse, l'œil et l'oreille vertigineusement s'égarent ; où se poursuit à l'infini le jeu de la mémoire et du rêve ; où le Je n'en finit pas de faire l'amour avec ses avatars ; où le Dé, en doublant le Hasard, n'est jamais que le début d'une dérive, la première syllabe d'un sésame : démence, délivrance, délire, désir, désert, dédale... un dédale, oui, la figure d'un dédale : une Carte du Tendre qui n'est autre qu'une radiographie d'un mort vivant -- l'endroit est à l'envers, le dehors est dedans.
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Vahé Godel
Aveugles
à Pericle Patocchi (1891-1968)


Aveugles
nous remontâmes
la rue de la fontaine
cherchant la couture
entre le corps et l'âme
foulant la chaux vive
et le goudron fumant
revenant sur nos pas
aveugles
pilleurs de caves
nous plantâmes
l'arbrisseau
à la cime du vent
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Prendre racine, prendre corps --- prendre langue... Percevoir toute la ramure à travers le réseau clandestin des racines --- comme l'aveugle à qui les moindres inflexions d'une voix révèlent ce qu'un regard exprime de plus secret, comme un chasseur aux yeux bandés qui n'aurait nulle autre arme que son flair. Trouver une langue, oui, plutôt retrouver celle qui sommeille, survivante, au tréfonds de soi-même.
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Rien ne figure mieux l'originelle solitude qu'une bouche silencieuse, caressée, agacée, éprouvée dans le noir. Des heures durant, je demeure à l'écoute : mes dents craquent, grincent, s'entrechoquent ; ma langue chuinte, ma salive gargouille. Je murmure : bouche, commissures, canines, molaires..., langue, luette, salive, glaire..., gerçures, papilles, bave, caries... J'aspire, j'exhale ; j'avale, je vomis ; je déglutis, je crache. Je suis tout ensemble l'entrée et la sortie, la source et l'embouchure ; l'origine et l'issue.
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Vahé Godel
CONTRÔLE D'IDENTITÉ
  
  
  
  
— quel est ton nom ? — celui du fondateur
d'une ville inconnue celui d'une es-
pèce d'oiseaux tout à fait disparue
celui d'une langue oubliée celui
d'un beau navire perdu corps et biens.

— quel âge as-tu ? — l'âge qu'avait le père
de mon père lorsque j'ai vu le jour
l'âge qu'avait mon père lorsque j'ai
levé l'ancre l'âge qu'aura mon fils
lorsqu'enfin je n'aurai plus rien à perdre

— d'où viens-tu ? — de l'épicentre des hauts
plateaux de la zone occupée de la
gare de la morgue de nulle part

— où vas-tu ? — vers la seule source vers
l'embouchure vers le toit du monde au
fond de l'abîme dans la nuit de mon
crâne dans le soleil de mes entrailles

— qui es-tu ? — le neveu du vent l'amant
de la cendre le disciple du feu
l'héritier du vide — mais encore ? — un
éternel rôdeur un déserteur ou
mieux : un pilleur de déserts un briseur
de débris un voyageur immobile
un voyeur borgne un chasseur d'ombres
(une ombre)
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Vahé Godel
JÉSUS-CHRIST
extrait 1
  
  
  
  
          L'un des malfaiteurs crucifiés l'injuriait,
          disant ; N'es-tu pas le Christ ? Sauve-
          toi toi-même, et sauve-nous !
          Saint-Luc, 23, 39.
Jésus-Christ est mort sur la croix,
à Golgotha, selon les Écritures,
en compagnie de deux brigands.

Jésus-Christ est mort sur la roue,
pour avoir volé un palefroi,
à Pontoise, près de Paris.

Jésus-Christ est mort dans son lit,
muni des sacrements de l'église.

Jésus-Christ est mort sur la paille
il était sans travail depuis des mois.

Jésus-Christ est mort en quarante-trois,
non loin de Munich,
dans une chambre à gaz.

Jésus-Christ est mort à l'asile de vieillards.

Jésus-Christ est mort dans la cour
d'une prison londonienne,
la presse en a parlé,
il n'avait pas vingt ans.

Jésus-Christ est mort sur la chaise électrique,
quelque part aux Etats-Unis,
accusé d'avoir violé une blanche.

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Murs sans fenêtres
Portes closes


III

Ici je scrute les portes closes
‒ celles qui font la sourde oreille
celles qui s’ouvrent sans s’ouvrir
celles qui n’ont d’autres raisons de vivre
que leur serrure

celles qui font semblant de sortir de leurs gonds

(celles qui séparent le vide
et le néant)
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Murs sans fenêtres
Portes closes


II

À force d’être
silencieux
         et nus
dépourvus de fenêtres

les murs m’ont revêtu
de leur ombre
         de leur silence
et de leur dénuement
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Murs sans fenêtres
Portes closes


I

Ici j’apprends le langage des murs :
cette fissure en sait plus long que moi
ce trou clame son innocence
cet autre ne dit rien
ce clou cache son jeu

(cette mouche immobile
est le centre du monde)
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Espace…


(Espace
dont le silence
dessine les contours

d’une lisière à l’autre
                 tel un souffle

toute parole
devient dès lors
itinéraire)

Du silence des vignes
aux vignes du silence
doucement nous buvons la distance
comme la sève d’eau d’un regard ébloui comme
l’écume d’une langue oubliée

franchies les bornes
le moindre souffle
déverrouille nos lèvres

trompant la vigilance de l’hiver
un lièvre gagne l’infini

(quand serons-nous en vue des eaux profondes ?)

au large
la brume couve un âge d’or
dans l’ombre
un infirme titube
en rêvant qu’il giboie

nous approchons d’un orme
immémorial – et le rivage lève l’ancre
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