Tout pèse maintenant. Des jours, des semaines, des mois de lutte pour se nourrir, pour étudier, s'occuper des parents, soutenir Jacques, mériter l'indépendance et un chez-soi. Des mois de volonté pour se hisser au-dessus du sort à défaut de le vaincre, pour tenir. Et maintenant un voeu d'immobilité. Ou plutôt, un non-vouloir. Mathilde accomplit toutes les tâches à distance d'elle-même, corps qui écrit, qui chiffre, qui casse des oeufs, qui prend le car, qui fait du stop, qui achète des paillettes, qui lave ses chaussettes, qui dort, prend le car à nouveau, additionne, soustrait, marche, prend le car, lave une chemise, ouvre une boîte de corned-beef, écrit une lettre, fait du stop, qui dort, sans autre but que l'accomplissement des gestes eux-mêmes, sans perspective, un pas à pas aveugle, sans fin.