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Citation de Charybde2


Parme était sous un brouillard ouaté. On ne distinguait même plus la géométrie des tours des Paolotti, ni celle des campaniles de San Giovanni et du duomo. Une soirée d’autres temps, d’avant que les saisons ne se ressemblent toutes. Lorsque la ville s’enveloppe d’une coquille de vapeur et retrouve soudainement toute son intimité. Que son excitation, ses grondements, sa frénésie s’apaisent. Sous son épais brouillard, Parme arrêtait de crier. Elle susurrait comme les vieilles à l’église.
En marchant dans les rues, Soneri sentit monter une nostalgie réconfortante. Son pas battait au rythme du refrain des souvenirs : l’université, son impatience de retourner via Saffi, Ada, perdue trop tôt… Il s’arrêta piazzale della Pace, sans toujours entrevoir l’austère silhouette de la Pilotta, ni les immeubles de la via Garibaldi. On ne voyait que du brouillard. Au-dessus, et tout autour. Rien qu’un bout de pavé sur lequel avancer, c’était pour le moment, son unique certitude. Ensuite, son téléphone sonna. La vie, tangible et illusoire, le rappelait à elle.
« Dottore, je vous dérange ? amorça Javara avec précaution.
– Au contraire. Dis-toi que tu m’as empêché de tomber dans un puits en m’attrapant par les cheveux », répondit le commissaire.
Une phrase tellement indéchiffrable que l’autre en resta muet.
« Et alors ? l’exhorta-t-il.
– C’est le bordel sur l’autoroute, une espèce de catastrophe…
– Les catastrophes ne se limitent pas aux autoroutes. Après, une espèce de catastrophe…
– Un accident, en fait. Un gros. Plus d’une centaine de voitures, des camions, des incendies…
– D’accord. Appelle la police de la route, non ?
– Non, non… Ils y sont déjà…
– Ah bon. Alors tout va bien.
– Ben, en fait… bredouilla l’inspecteur.
– Quoi ?
– Le questeur demande d’y faire un saut parce qu’on a signalé des Tsiganes qui rôdent près des voitures, dit enfin Juvara d’une seule traite.
– Qu’on envoie des patrouilles ! s’agaça Soneri tout en sentant qu’il pourrait fuir sa solitude et se tirer du piège que lui tendait la nostalgie.
– On en a envoyé, poursuivit l’inspecteur, mais le brouillard est tellement dense… ils n’arrivent pas à trouver. Aucun agent de permanence ne connaît la bassa. »
Soneri comprit immédiatement la menace qui lui planait au-dessus de la tête, tel un ressort sur le point de se détendre. Il préféra l’anticiper et prit la place en diagonale en direction de la Steccata.
« C’est où exactement ? demanda-t-il.
– À côté de la station-service de Cortile San Martino. Vous avez une route qui longe tout un tronçon de l’autoroute du Soleil.
– Je vois. Et les patrouilles ?
– Elles tournent en rond. Le questeur a dit que vous étiez le seul à connaître ces routes… Le seul de Parme…
– Prends la voiture, je t’attends devant la Steccata dans cinq minutes », abrégea Soneri.
Juvara eut du mal à le trouver. Le commissaire fut obligé de gesticuler et de sauter par-dessus les chaînes accrochées entre les bornes de pierre pour se faire remarquer. « Je prends le volant, trancha-t-il au moment où l’inspecteur baissait la vitre. Avec toi, au mieux, on finit dans le fossé. »
Juvara obtempéra avec soulagement.
« Déjà que j’ai galéré pour passer le porche de la Questure, avoua-t-il en lui laissant sa place.
– C’est pour ça que tu ne trouves pas d’amoureuse : tu es trop empoté. »
L’autre garda le silence, mais la petite tape affectueuse que lui donna Soneri en s’installant sur le siège lui rendit son sourire.
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