Suivant les conseils de proches, je suis allé consulter une psychologue. Je devais entrer dans une catégorie de son manuel, à la page 161 ou 286, selon le nombre de critères positifs pour me faire correspondre à un diagnostic comme une caricature réductrice, une outrageuse simplification de la complexité de la vie d’une personne qu’on range dans des petites boîtes fixes pour se donner une langue commune, une langue pauvre et vidangée de sens. Je n’étais pas l’expression d’une seule page, j’étais un livre au complet qui prenait vie contre le néant et qui pouvait changer en une seule nuit dans une sorte de ressac et de marées.
Parmi les centaines de fenêtres qui atteignaient le ciel, l’homme immobile semblait pensif, plongé dans une solitude absolue, immense, accrue par l’ensemble arrondi qui s’étirait en une longue perspective verticale.
On aurait dit qu’il s’était arrêté en montant l’échelle jusqu’à la lune et qu’il regardait une dernière fois, derrière lui, sa vie terrestre.
Mes yeux se sont tournés vers ma droite, suivis par ma tête. J’ai vu les fenêtres en demi-lunes d’un hôtel qui s’élevait comme une échelle vers le ciel, qui semblait toucher la pleine lune enroulée dans les nuages.
Je voyais dans l’une d’elles la silhouette d’un homme qui regardait dehors, debout, sans bouger, par sa fenêtre qui n’était pas illuminée.
Par obéissance ou par réflexe, je me suis mis à l’écoute. J’ai entendu le bruit d’une voiture qui s’éloignait. Au loin, je percevais le grondement sourd d’un train. Il striait l’air du bruit métallique de ses roues qui frottaient les rails en projetant des étincelles par intermittence.
À ce moment précis, j’étais en parfaite communion avec la ville.