Vinie Léoz

On se voyait, on baisait, et c’était bon, vraiment bon. Il me faisait du bien, sexuellement parlant, jusqu’au jour où il me l’a dit. Cette phrase qui n’a plus aucun sens pour moi.

Je n’étais pas prête. Ce n’était pas possible, personne ne pouvait et ne devait encore m’aimer. « Je crois que je tombe amoureux de toi, Déb. » Le temps s’était comme suspendu, plus de son, plus d’image. J’étais bloquée, troublée.

Voilà de nouveau ce regard joueur et taquin que j’ai vaguement aperçu plus tôt, accompagné non pas d’un rictus, mais bel et bien d’un large sourire. Un visage aux traits carrés et à la barbe bien entretenue d’au moins trois jours : elle ne fait pas négligée, elle lui confère un air très sexy. Une belle gueule, en somme. Me voilà de nouveau à divaguer, franchement, Déb, raye tout de suite cet homme de ta tête.

C’est vrai qu’il est agaçant, mais il me fait rire. Je peux le noter avec au moins quatre étoiles pour sa belle gueule. Il a ce genre, la catégorie « charmeur ». Leur pouvoir réside dans leurs yeux doux pour obtenir ce qu’ils souhaitent. Il sait captiver avec son regard joueur. Une lueur flamboyante s’est approprié l’iris saphir brut de ses pupilles lorsqu’il m’a invitée. Il a à peine une tête de plus que moi, et pourtant, je mesure un mètre quatre-vingts. Je suis la plus grande de la famille, c’était très avantageux puisque je m’adonnais au basket au collège et au lycée. J’aimais les entraînements, la compétition, j’étais libérée sur le terrain. Sans me vanter, je jouais vraiment bien, et parfois, ça me manque beaucoup. Le sport était mon exécutoire, mon défouloir.

" Les tendances ne sont jamais un péché, le péché, c’est l’acte. "Rien ne peut redevenir comme avant. Tout est brisé et même de la colle super puissante ne pourrait réparer mes erreurs. Toute une vie ne suffirait pas à me convaincre de mon innocence. Au plus profond de mon être, la culpabilité me ronge. Mon téléphone vibre dans ma main, c’est encore un appel masqué. Décroche, allez, décroche !

C’est comme si tout mon corps était désormais capable de capturer le feu qui brûle chacune de mes cellules pour le concentrer en un seul et même endroit : le creux de mes reins. Il accompagne mon entrée en effleurant le bas de mon dos. Il va falloir que je me calme. Nous sommes en pleine journée et je suis Déb, pas elle, pas l’autre ! Déb la docile et gentille fille.

La caféine est ma drogue, j’ai besoin de presque une cafetière entière par jour. Mon sang ne fait qu’un tour et après une volte-face rapide, je me mets en quête du chapardeur. Je tente ma chance dans le premier bureau sur ma gauche. Personne ! J’arpente l’espace accueil, passant devant la salle d’attente de laquelle les patients m’observent interloqués.

Il me rend violemment mon baiser. Nous sommes à la limite de la morsure. Je cherche à défaire la ceinture de son pantalon, mais il m’arrête et m’enserre les poignets dans mon dos, d’une seule main. De l’autre, il replace lentement une mèche de mes cheveux bouclés derrière mon oreille. Il quitte ma bouche, un gémissement insatisfait, plaintif m’échappe.

Je suis blessée dans mon amour-propre, mon cœur est brisé, comme un puzzle de mille pièces dont on aurait perdu l’image à reproduire. Incapable d’aimer, ou de m’attacher, j’ai relégué mes relations avec les hommes au strict minimum. Je me sers de leurs corps pour mon propre bien-être physique et continue ma vie loin de toute souffrance morale.

Une tornade dévastatrice grandit en moi et anéantit tout sur son passage. Je ne connais qu’une manière de me sortir de toute cette douleur : le sexe. Alors, relâchant la tension dans mes bras, j’attends. J’attends qu’en toute clémence, il daigne me prendre sur son bar et fasse enfin taire toute cette culpabilité qui m’étouffe nuit après nuit.

Les remords et la culpabilité se réveillent bien trop rapidement. Merde. Je lui chuchote un petit « pardonne-moi » tout près de son oreille et dépose un baiser dans ses cheveux hirsutes. J’ai vraiment tout gâché. Il grogne légèrement et se tourne complètement de son côté. Il porte toujours ses vêtements. Gentleman jusqu’au bout.