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Critiques de Vita Ayala (7)
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The Old Guard : Tales Through Time

Une très longue vie de combat

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Ce tome contient des histoires courtes mettant en scène des personnages issus de la série The Old Guard de Greg Rucka & Leandro Fernández. Il regroupe les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2021, chacun comprenant 2 à 3 histoires, réalisées par des équipes créatrices différentes. Il contient également les 6 couvertures originales de Fernández, ainsi que les couvertures variantes réalisées par Jacopo Camagni, Valentine de Landro, Michael Avon Oeming, Steve Lieber, Rafael Albuquerque, Nicola Scott, et un paragraphe de présentation pour chacun des 28 créateurs. Le lecteur découvre des histoires réalisées par les scénaristes & dessinateurs suivants : Greg Rucka & Leandro Fernández, Andrew Wheeler & Jacopo Camagni, Kelly Sue de Connick & Valentine de Landro, Eric Trautmann & Mike Henderson, Brian Michael Bendis & Michael Avon Oeming, Robert McKenzie, Dave Walker et Justin Greenwood, Matt Fraction & Steve Lieber, David F. Walker & Matthew Clark, Jason Aaron & Rafael Albuquerque, Alejandro Arbona & Kano, Vita Ayala et Nicola Scott, et enfin une deuxième histoire par Rucka & Fernández.



Andy est en train d'entraîner Nile sur une plage déserte des Îles Canaries. Nile lui demande combien de haches elle a usées au fil des années : son interlocutrice répond qu'elle n'en a jamais eu qu'une seule, et elle évoque les nombreuses fois où elle a dû en faire remplacer une partie ou une autre. À berlin en 1932, Joe et Nicky prennent un verre en amoureux dans un cabaret. Ils sont pris à parti par un officier militaire visiblement homophobe, mais aussi raciste. La patronne intervient avant que la discussion ne dégénère. Plus tard les deux amants profitent d'un parc désert la nuit pour s'embrasser. Au Japon, au moyen-âge, un vieil homme taille son bonsaï, choisissant quelle branche reste, quelle branche est coupée, dans le même temps se souvenant des hommes qu'il a tués au combat, au service de son shogun. Au Texas en septembre 1870, Booker se retrouve impliqué dans un lynchage et un homme lui tire une balle dans la tête. Dans les années 1970, Andy va retrouver Zeus dans son restaurant italien pour qu'il lui prépare un bon petit plat.



La nuit du premier alunissage, Booker et Nicky vont réaliser un assassinat dans un pavillon de banlieue dans le Minnesota, pendant que Joe et Andy boivent une bière dans un bar de San Francisco en regardant le module se poser sur la surface de la Lune. À la fin du dix-neuvième siècle, Andy revient dans un des états du sud des États-Unis, pour retrouver son mari Achilles, maintenant âgé d'une soixantaine d'années. Dans le sud de la Pennsylvanie en 1863, Nicky porte l'uniforme des sudistes. En 1978 à Times Square à New York, Booker se fait bêtement capturer par un gang de nonnes avec des flingues. À la fin du dix-huitième siècle, Booker va manger dans le premier restaurant de Paris, Les trois frères provençaux, avec son fils. Au temps présent, Andy et Nile réalisent un vol à haut risque dans un musée à Paris. À l'époque contemporaine, Isaac sort de ses montagnes pour se rendre en ville et acheter du matériel pour passer l'hiver en montagne.



En 2017, Rucka & Fernández créent cette nouvelle série, pour une histoire semblant complète, fonctionnant en fait comme une première saison racontée sous forme d'une minisérie en 5 épisodes. En 2019/2020 paraît la deuxième saison également en 5 épisodes, intitulée Force Multiplied. En 2020, un film réalisé par Gina Prince-Bythewood, avec Charlize Theron, est diffusé sur une plateforme spécialisée. Les auteurs ont prévu de terminer cette histoire dans une troisième minisérie intitulée Fade Away. Dans le courant 2020, les auteurs décident de battre le fer tant qu'il est encore chaud et de mettre en chantier une série dérivée, mettant en scène les personnages principaux de la série, dans des histoires complètes et auto-contenues, réalisées par d'autres équipes artistiques. Rucka & Fernández se chargent de réaliser celle qui ouvre la présente anthologie, et celle qui la referme. D'un côté, cela officialise le caractère légitime de l'entreprise, en montrant qu'ils s'y sont impliqués ; de l'autre côté, le lecteur qui aurait préféré s'en tenir aux trois miniséries réalisées par les auteurs originaux peut se sentir contraint d'aller voir le présent recueil. Il en ressort très impressionné par les planches de Fernández : une narration visuelle remarquable de clarté, avec une belle densité d'informations quand nécessaire, plus aérée quand la scène repose sur des paysages naturels, avec une saveur évoquant les pages d'Eduardo Risso, tout en conservant sa propre personnalité. La première histoire sur la hache d'Andronika et anecdotique, et la dernière sur Isaac, tout autant.



Le lecteur en vient presque à se demander pour quelle raison il a pu imaginer qu'une série d'histoires courtes sur ces personnages pouvait présenter un intérêt. Certes, Andy, Isaac, Joe, Nicky et Nile sont distincts les uns des autres, mais sans histoire personnelle très substantielle, sans motivation propre très distincte, essentiellement des combattants hors pair. Les dix scénaristes mettent à profit la caractéristique principale des personnages : des combattants immortels. C'est ainsi que le lecteur voyage à travers les siècles et les pays, du dix-huitième au vingt-et-unième siècle, de la France au Far Ouest, en passant par le Japon. À l'évidence, certains scénaristes ont trouvé une image forte qu'ils développent : la taille d'un bonsaï, le premier alunissage, le premier restaurant, un casse bien préparé. La majeure partie relie son récit à un événement historique : la montée du nazisme en Allemagne, un lynchage en guise de justice expéditive, la bataille de Passchendaele en Belgique en 1917, la guerre de Sécession. Les dessins restent dans un registre descriptif, allant du très détaillé pour Kano, de l'hyperréaliste pour Nicola Scott, à d'autres jouant plus sur les aplats de noir comme Valentine de Landro et Michael Avon Oeming. Chaque chapitre bénéficie d'une narration visuelle de bon niveau, certains avec un style plus affirmé.



Le lecteur se laisse donc prendre au jeu de la variété des situations, de la violence engendrée par le conflit, avec un enjeu supplémentaire à chaque fois. Certains scénaristes jouent avec un enrichissement de la situation au fur et à mesure de la progression, d'autres sur le principe d'une histoire à chute. En fonction de sa sensibilité et de ses attentes, le lecteur prend plaisir à la lecture au premier degré de telle ou telle histoire. L'intolérance punie d'un officier nazi, avec des dessins descriptifs tout en restant léger. L'analogie entre le choix de couper telle branche, ou de tuer tel individu sur le champ de bataille avec des dessins plus pesants du fait de traits de contour plus épais, et une composition de page alternant 9 cases de la largeur de la page sur une même page. La préparation d'un plat très épicé avec des ombres portées mangeant les personnages et les décors. L'évocation très concrète d'une époque que ce soit la corruption de la police sur la côte ouest ou le lynchage d'un afro-américain, avec des dessins clairs et aérés. La reconstitution d'une époque (guerre de Sécession, Times Square) avec des dessins qui soulignent la composante second degré de la nouvelle, soit dans le gore soit dans le grindhouse (avec une mention spéciale pour les nonnes avec mitraillettes). Plus étonnant, la dimension sociale du premier restaurant soulignant l'évolution historique, ou la récupération d'un artefact inoffensif dans un musée, avec des dessins gorgés de détails.



Ces histoires courtes se lisent rapidement, avec certaines plus chargées en émotion, et d'autres en règlement de compte. Néanmoins pour en percevoir toute la saveur, le lecteur doit se souvenir de la saison deux : Rucka & Fernández dépassait le stade de guerriers immortels ayant accumulé des décennies d'expérience au combat, et même des siècles, pour élargir la perspective en évoquant l'effet de vivre pendant autant de temps, de cumuler autant d'années de vie, au point que l'esprit n'est plus capable de se souvenir de tout, voire efface la majorité des souvenirs, ne laissant plus que de vagues impressions. Sous réserve d'avoir ce point de vue à l'esprit, le lecteur perçoit alors plus de consistance dans ces récits. Certains scénaristes savent en effet faire ressortir la manière dont le ou les personnages immortels relativisent les événements qui apparaissent de courte durée, au regard de la longueur de la vie déjà vécue, et de la quasi-certitude d'en vivre encore une multitude innombrable, ce qui diminue d'autant la valeur et la signification de l'instant présent. Dans ces moments, l'histoire prend alors une autre dimension, plus tragique, provoquant un effet de prise de recul chez le lecteur sur le sens de ce qui est vécu, ce qui est jugé important sur le moment, ce qui reste.



Une douzaine d'histoire courtes consacrées à des personnages auxquels le lecteur ne s'est pas forcément beaucoup attaché : un produit facile à réaliser à l'occasion d'une synergie avec un film. Oui, il y a de cela, mais les créateurs ne sont pas les premiers venus, certains avec même des années d'expérience, et ils ont bien intégré la spécificité de ces combattants. Scénaristes comme artistes s'impliquent pour donner de la consistance à la reconstitution de chaque époque, pour trouver un lieu et une époque originaux. Certains sont plus adroits pour raconter une histoire courte, d'autres ont une idée plus originale, et enfin la plupart font ressortir les conséquences induites de l'immortalité des personnages, sur leur façon de s'impliquer dans une situation.
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Empyre: X-Men

Cette histoire se déroule pendant Empyre (2020) d'Al Ewing, Dan Slott et Valerio Schiti. Il regroupe les 4 épisodes de la minisérie, initialement parue en 2020, écrite par Jonathan Hickam et Tini Howard pour l'épisode 1, Gerry Duggan, Benjamin Percy et Leah Wiliams pour l'épisode 2, Vita Ayala, Zeb Wells, et Ed Brisson pour l'épisode 3, Jonathan Hickman pour l'épisode 4. L'épisode 1 a été dessiné et encré par Matteo Buffagni, le 2 par Lucas Werneck, le 3 par Andrea Broccardo. L'épisode 4 a été dessiné par Jorge Molina & Lucas Werneck, et encré par Adriano Di Benedetto et Werneck. La mise en couleurs des 4 épisodes a été assurée par Nolan Woodard, avec l'aide de Rachelle Rosenberg pour l'épisode 4. Pour être complet, un autre affrontement entre les X-Men et les cotatis se déroule dans les épisodes 10 & 11 de X-Men by Jonathan Hickman Vol. 2 (épisodes 7 à 11).



Il y a un an de cela, Wanda Maximoff vient trouver Stephen Strange dans son sanctuaire pour lui demander conseil sur comment effacer son erreur qui a conduit à la mort d'un million de mutants à Genosha. Il lui répond que ça ne marche pas comme ça : on ne peut pas défaire un tel acte, il faut l'accepter et le compenser par un acte positif de plus grande envergure. Elle se lance alors dans des recherches pendant six mois, puis se met en quête des éléments dont elle a besoin pendant les trois mois suivants. Enfin elle se rend sur Genosha pour provoquer la résurrection des mutants qui y ont péri. Au temps présent, l'île de Genosha constitue un lieu stratégique pour les cotatis car il leur permet d'implanter une base à bonne distance du Wakanda où se trouve le précieux vibranium. Un vaisseau se pose et le commandant Quoi exige un rapport rapide de ses troupes à la fois sur le Wakanda, à la fois sur les individus présents sur l'île de Genosha. Un prisonnier est amené devant lui : il s'agit d'un zombie qui parle. Il l'interroge et l'individu se présente : son nom de mutant est Explodey Boy. Et il se fait exploser. Le commandant survit et le mutant zombie également. Un fort grondement se fait entendre. Les extraterrestres finissent par comprendre qu'il s'agit du bruit généré par une foule très nombreuse en marche. Non pas ramenés à la vie, mais tirés de leur repos et réanimés, les morts de Genosha arrivent en masse et deux millions d'entre eux étaient des végétariens.



En France à Val de Seine, Monet Saint Croix est en train de déguster sa salade sur un banc dans un parc, même si sa composition ne correspond pas exactement à ce qu'elle a demandé. Warren Worthington se permet de piquer deux feuilles de salades avec sa fourchette. Illyana Rasputin les interrompt car il est temps de se rendre à la réunion avec Noblesse Pharmaceuticals. Dans la salle de réunion, elle prend un donut et elle explique qu'en fait Charles Xavier les attend pour leur confier une mission. Ils acceptent de la suivre par un portail de Krakoa, et Illyana explique aux gardes du corps que la réunion est remise à plus tard. Sur Krakoa, Black Tom Cassidy est en train d'expliquer à Charles Xavier que les vignes des portes ne sont pas malades, et que c'est une source extérieure qui provoque leur dysfonctionnement. Xavier explique à M et à Angel qu'il a souhaité qu'ils reviennent car il manque d'agents expérimentés et que leurs compétences seront plus utiles pour aller enquêter sur Genosha. Magneto indique qu'en plus d'Illyana, ils peuvent être accompagnés d'un autre mutant : ils choisissent Jamie Madrox.



Le lecteur a toutes les raisons pour se tenir éloigné de cette minisérie. Pour commencer, le tome 2 de la série X-Men contient déjà un affrontement significatif contre les cotatis. Ensuite il s'agit d'une histoire dérivée de l'événement du moment, vite éclos, vite fané, généralement le genre de produit périssable et dispensable. Pour autant, le lecteur constate que l'épisode d'entrée est coécrit par Jonathan Hickman, l'architecte des séries des mutants à partir de 2019, et qu'il écrit le quatrième épisode. En outre, les autres épisodes sont coécrits par les scénaristes des séries mensuelles mutantes du moment, selon une forme qui fait également prendre du recul : 3 scénaristes pour l'épisode 2, 3 autres pour le 3. Toutefois passée la scène introductive avec Scarlet Witch, le lecteur découvre le titre du premier épisode : plantes extraterrestres contre mutants zombies, l'intention est claire. Ce n'est pas une histoire à prendre au sérieux, mais un défouloir. Effectivement, les mutants se trouvent pris entre les envahisseurs extraterrestres et des zombies en quête de cervelle fraîche, et personne ne se prend trop au sérieux. Il y a bien une intrigue : comment se débarrasser des envahisseurs sans qu'ils ne mettent en péril le fonctionnement des portails de Krakoa, sans qu'ils ne soient en mesure d'envahir Krakoa. Et comment se débarrasser de cette infestation de zombie ? Pour ce deuxième problème, le scénariste n'y va pas avec le dos de la cuillère en termes de coïncidence très opportune, à la minute près. Ce n'est pas l'arrivée de la cavalerie, mais c'est un deus ex machina énorme et assumé. En fonction de cet état d'esprit, le lecteur peur se sentir floué, ou trouver que ça colle bien avec la nature de presque parodique du récit.



De la même manière qu'il peut tiquer sur l'écriture à 16 mains de l'histoire, le lecteur peut également craindre une disparité dans les dessins, même si là il n'y a que 8 mains à l'œuvre et que le metteur en couleurs assure une unité sur l'ensemble des 4 épisodes. Le premier épisode n'est pas indigne. Buffagni connaît son affaire et les coscénaristes ont fait le nécessaire pour ménager sa peine. Certes il se retrouve avec un bon nombre de personnages différents à représenter : M, Angel, Magik, Multiple Man, Dotcor Strnge, Scarlet Witch, Black Tom Cassidy, Krakoa, Magneto, Professor X, Ru'tuh-baga, Quoi, Explodey Boy. Mais le dessinateur tient le choc et conserve une apparence distincte et reconnaissable à chaque personnage, ainsi qu'une conformité dans leur costume et leur visage. Le combat s'engage rapidement dans une plaine sans arrière-plan, soulevant des nuages de poussière qui viennent combler les fonds de case avec un travail minimal du coloriste pour un vague camaïeu afin qu'ils ne soient pas trop uniformes. Le dessinateur assure le minimum requis pour représenter l'intérieur du sanctuaire de Strange, l'entrée et la salle de réunion du siège social de l'entreprise pharmaceutique, ce qui permet de dire qu'il y a quelques pages avec un décor. De toute manière, le lecteur lui pardonne ce mode de représentation en reconnaissant sans difficulté Edith Scutch, Augusta Bromes, Opal Vetiver et Lily Leymus dans la dernière page.



S'il n'y prête pas attention, il n'est pas sûr que le lecteur se rende compte du changement de dessinateur pour l'épisode 2. Il met en œuvre la même technique d'évitement pour s'affranchir de dessiner quel que décor que ce soit, avec la même aide déterminante du coloriste, et une augmentation de nombre de cases par page ce qui laisse moins de place dans chacune d'entre elles, donc ce qui rend moins visible l'absence d'éléments en arrière-plan. Il réussit lui aussi très bien sa dernière page avec l'arrivée de 10 mutants supplémentaires, en renfort sur Genosha. Arrivé au troisième épisode, le lecteur n'attend plus grand-chose des dessins, si ce n'est de la clarté dans la mise en scène au vu du nombre de personnages impliqués, une identité visuelle forte pour chacun afin de pouvoir les distinguer les uns des autres et les identifier au premier coup d'œil, et un minimum d'entrain dans les affrontements. Broccardo remplit ces différents objectifs et il est temps de passer au dernier épisode, tout en souriant de bon cœur en voyant Madrox balancer la tête d'un de ses doubles à un groupe de zombie pour qu'ils puissent en manger la cervelle. La narration visuelle du dernier épisode est dans la droite lignée des 3 premiers, tout aussi fonctionnelle, avec un bon niveau de détails pour les personnages, des prises de vue claires et entraînantes.



Le lecteur en a donc pour son argent, et les auteurs font en sorte de combler son horizon d'attente qui n'était pas bien ambitieux. Il aura eu droit à une série d'affrontements entre cotatis et mutants, avec une horde de zombies anonymes en prime, et même une quatrième faction Hordeculture, toujours aussi décalée et amusante. Les nombreux scénaristes ont rempli leur mission de montrer le risque d'invasion des cotatis dans l'écosystème de Krakoa et le risque de disruption des portails végétaux par une race extraterrestre végétale. Le lecteur aura pu voir de nombreux mutants de premier plan et de second plan en action, Wolverine étant pour une fois absent, les Stepford Cuckoos étant au grand complet (Celeste, Esme, Mindee, Phoebe, Sophie), sans oublier un Qentin Quire toujours aussi de lui. En cours de route, Jonathan Hickman parvient à inclure plusieurs morceaux plus consistants, que ce soit l'obsession de Wanda Maximoff de se racheter, la Hordeculture, l'espionnage industriel réalisé par Beast (Hank McCoy), ou encore le dialogue très touchant d'Explodey Boy ressuscité sur Krakoa avec son moi zombie mort-vivant qui se demande ce qu'il lui est arrivé depuis qu'il est mort, prouvant que le scénariste sait écrire des moments personnels émouvants.
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Livewire Volume 1: Fugitive

Ce tome fait suite à Harbinger Wars dont la lecture aide à comprendre la situation initiale dans laquelle se trouve Amanda McKee, même s'il y a une page de rappel en début de tome. Il contient les épisodes 1 à 4 de la série mensuelle, écrits par Vita Ayala, dessinés et encrés par Raúl Allén, avec une mise en couleurs réalisée par Patricia Martin. Les couvertures principales ont été réalisées par Adam Pollina, avec une mise en couleurs d'Ulises Arreola. En fin de tome se trouvent également les couvertures variantes réalisées par Doug Braithwaite, Harvey Tolibao, Megan Hutchison, Paulina Ganucheau (*2), Koi Turnbull, 4 pages de crayonnés, et 7 pages commentées par la scénariste.



Dans le ciel au-dessus de l'aéroport de Los Angeles (LAX) se produit un horrible accident : un avion de ligne en percute un autre, pour le plus grand effroi des passages en attente car ils ont une vue imprenable sur le drame. Livewire (Amanda McKee) intervient pour reprendre la main sur les commandes des avions grâce à son pouvoir sur tous les appareils électroniques. Elle essaye également de sauver un enfant ayant été éjecté de l'avion lorsqu'il a percuté l'autre. Après avoir posé les 2 avions, elle rejoint sa base, dans un entrepôt désaffecté peuplé de mannequins de couture. Elle se met à chercher un endroit qu'elle pourrait transformer en école pour psiotiques. Quelques jours plus tard, dans le musée de l'aviation de Los Angeles, Nicole (Niki) Finch (avec Cagney, un oiseau domestique sur l'épaule) retrouve Owen Cho, car ils ont tous les 2 reçus un texto d'Avichal (Avi) Malakar. Alors qu'ils se retrouvent devant lui, il leur explique qu'il n'a envoyé aucun texto. Amanda McKee se montre à eux et elle leur propose d'emménager dans un endroit qu'elle leur a trouvé porche d'une université pour Avi, et d'un refuge animalier pour Nikki.



Avichal Malakar prend la parole et exprime sa colère vis-à-vis d'Amanda McKee du fait des actions qu'elle a entreprise précédemment : priver tous les États-Unis d'électricité, causant la mort accidentelle de plusieurs dizaines de personnes. Pour lui, rien ne pouvait justifier ce type de sabotage de nature terroriste. McKee se justifie en indiquant que le gouvernement des États-Unis avait attaqué en premier avec comme objectif l'annihilation de tous les psiotiques, et que sa réaction n'était pas des représailles, mais plus un acte d'auto-défense. Finalement les 3 jeunes refusent de la suivre, et les autres personnes présentes dans le musée commencent à la reconnaître et appeler la sécurité, car McKee est recherchée comme une terroriste. Elle rentre dans sa base. Le soir, elle reçoit un appel de Nikki qui souhaite la rencontrer. Finalement, Nikki et Owen attendent Amanda McKee au zoo de nuit. Cette dernière les observe de loin, depuis le toit d'un immeuble, sans se faire remarquer. Elle surprend des conversations téléphoniques indiquant qu'un commando non identifié l'a repérée et se dirige vers elle.



Dans Harbinger Wars II, Matt Kindt (scénariste) avait fait commettre des actes irréparables à Amanda McKee, la positionnant dans le camp des ennemis, puisqu'elle avait causé la mort de dizaines d'innocents. Le lecteur est un peu étonné de la retrouver dans sa propre série, un peu curieux de voir comment la scénariste va pouvoir la légitimer, et un peu impatient de savoir quels vont être ses prochains objectifs. Vita Ayala est une jeune scénariste ayant à ce moment-là écrit quelques épisodes épars pour Marvel et DC et une série indépendante pour Vault Comics. Dans la postface, elle indique qu'elle souhaitait faire évoluer Amanda McKee, lui créer un ennemi spécifique et mettre en avant ses superpouvoirs qu'elle trouve très impressionnants. Comme un certain meneur de mutants avec des pouvoirs sur le magnétisme (Max Eisenhardt), ou un meneur de psiotiques aux méthodes directives (Toyo Harada), Amanda McKee a pris sur elle de défendre les intérêts d'une communauté et de répondre à la violence par la violence, à l'échelle d'un pays. Le lecteur ne peut pas cautionner son action de sabotage qui a causé la mort d'innocents. Il doute qu'elle puisse regagner une stature d'héroïne. Il se demande comment la scénariste va présenter la chose. Au début, Amanda McKee reste persuadée qu'elle a agi au moins pire, à défaut d'avoir agi pour le mieux. Effectivement, sa tête est mise à prix, lui renvoyant l'image que les citoyens ont d'elle. La scénariste la met face à ses anciens protégés qui lui renvoie une image identique. Pour tenir le coup, McKee n'a d'autre solution que de s'en tenir à l'image qu'elle a d'elle-même : celle d'une sauveuse des individus dotés de capacités extraordinaires, d'une communauté en passe d'être exterminée, purement et simplement éradiquée.



Au cours de ces 4 épisodes, elle est confrontée à un groupe paramilitaire ayant pour mission de la capturer, à un geôlier intimement convaincu de sa culpabilité sans espoir de rédemption, et à un autre protégé de Toyo Harada nommé Pan de Santos. Effectivement, la scénariste contraint son personnage à regarder la vérité en face. En fait le déroulement de l'histoire est plus nuancé que ça puisqu'Amanda McKee est confrontée à la vérité de différentes personnes, autant de morceaux de miroir différents lui renvoyant un point de vue particulier. Dans le cadre de ce récit de superhéros (ou au moins d'individu doté de superpouvoir), Vita Ayala introduit plusieurs degrés de complexité, entre la question de la rédemption au vu des crimes commis, et une appréhension croisée de la réalité. Comme promis également, elle n'oublie pas de lui créer un ennemi spécifique. Pour cette dimension là du récit, elle recourt au principe du double en partie inversé. Amanda McKee se retrouve face à un autre élève de son propre mentor, un élève qu'elle a elle-même encadrée. Cela permet de confronter deux interprétations différentes des enseignements du maître, deux façons d'envisager son engagement pour sa communauté, pour défendre le siens en fonction de ses capacités. Amanda McKee se situant dans une zone grise, l'affrontement physique entre elle et Pan de Santos constitue la manifestation de l'affrontement idéologique entre les 2 antagonistes, faisant un usage pertinent de cette spécificité des combats de superhéros, et opposant deux visions qui ne sont pas manichéennes.



La scénariste n'oublie pas qu'elle écrit une histoire qui s'inscrit dans le genre superhéros, et elle fait également la part belle aux superpouvoirs de Livewire. Elle ne détaille pas trop ses pouvoirs, visiblement toujours la capacité de s'interfacer avec et de contrôler tous les appareillages électroniques, mais visiblement aussi la capacité de vol autonome. Il s'agit plus pour elle de mettre en valeur ces capacités. C'est la raison pour laquelle elle commence par 2 avions se percutant en plein ciel, ce qui permet de voir Livewire à l'œuvre. Puis elle parcourt l'ancien atelier en lévitant à une dizaine de centimètres au-dessus du sol, dans une belle image aux traits fins, occupant les 2 tiers de la page. Dès la page suivante, Amanda McKee est en tailleur en train de communiquer mentalement avec des écrans, dans une belle lumière rouge orangé, avec des écritures fines et des graphiques surimposés en blanc pour figurer ce qu'elle perçoit dans son esprit. Lorsqu'elle se retrouve face au commando venu l'appréhender, l'image résiduelle des appareils électroniques flotte autour d'elle, à nouveau en surimpression blanche. Ses pouvoirs étant neutralisé pendant une partie de l'histoire, la scénariste rappelle également que Livewire est une combattante à main nue très compétente, lors d'affrontements risqués.



Raúl Allén réalise des dessins descriptifs, avec des traits de contour fin et propres sur eux. Il sait donner une apparence normale et différenciée à chaque personnage les rendant plausibles tout en restant faciles à identifier. Le lecteur constate également la prédominance des tenues civiles ou militaires, à l'exception des 2 dernières pages pour Livewire. L'artiste se montre un costumier attentif, avec des tenues adaptées à la personnalité de chaque protagoniste et à son statut social, à son occupation du moment. Raúl Allén utilise exclusivement des cases rectangulaires, mais de taille variable, variant de 9 cases de taille identique dans un page avec une disposition de type gaufrier, à des pages ne comprenant que des cases de la largeur de la page. Il se montre très investi dans la représentation des différents environnements : salle d'attente de l'aéroport, salle de travail d'Amanda McKee, musée de l'aérospatiale, cellule de détention de McKee, chantier désaffecté. Allen sait user avec discrétion des trucs et astuces pour ne pas dessiner les arrière-plans (par exemple des gros plans sur les personnages), mais il n'en abuse pas et la mise en couleurs de Patricia Martin vient nourrir les dessins avec discrétion et efficacité. Le lecteur peut éventuellement trouver certains décors un peu froids, certainement représentés pour partie à l'aide d'un logiciel de modélisation. Mais ce rendu respecte bien la tonalité de la narration, Ayala faisant en sorte de rester dans une réalité assez proche de la vraie pour mieux faire ressortir les capacités extraordinaires des psiotiques, et pour montrer les conséquences de leurs actions sur les civils normaux.



Intrigué par la situation sortant de l'ordinaire d'Amanda McKee à l'issue de Harbinger Wars II, le lecteur se demande par quel bout la scénariste va prendre son histoire. Il a le plaisir de constater qu'elle ne cherche pas à tout effacer pour repartir comme si de rien n'était, mais plutôt qu'elle explore les ramifications de cette situation, en faisant montre d'une vraie affection pour Amanda McKee, et que l'histoire bénéficie de dessins soignés et précis. Le déroulement du récit est peut-être un peu linéaire et appliqué mais il donne envie de savoir comment Amanda McKee va réussir à remonter la pente.
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Livewire, tome 3 : Champion

Ce tome fait suite à Livewire Volume 2: Guardian (épisodes 5 à 8) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 9 à 12 (les derniers de la saison, initialement parus en 2019, écrits par Vita Ayala, dessinés et encrés par Tana Ford avec l'aide de Bruno Oliveira pour l'épisode 12, avec une mise en couleurs de Kelly Fitzpatrick. Les couvertures ont été réalisées par Stacey Lee, et les couvertures variantes par Raúl Allén, Irene Koh, Jen Bartel, Kris Anka, Helen Chen, Kevin Wada, Le tome se termine avec 11 pages de recherches graphiques, et de pages encrées en noir & blanc.



Livewire (Amanda McKee) s'est introduite dans les bâtiments du Pentagone, en pensant que l'humanité a une habitude solidement ancrée de craindre ce qu'elle ne connaît pas, et de d'utiliser cette peur pour justifier de se montrer agressive. Dans le même temps, elle sait qu'elle s'est conduite ainsi et que des innocents ont été les victimes de son comportement. Au cours de sa progression dans les couloirs, elle se heurte bien sûr aux gardes en faction et un combat physique s'engage. Pendant l'affrontement, elle est en train d'explorer les banques de données du Pentagone, à la recherche des informations dont elle a besoin. Elle ne retrouve aucune trace du Programme pour l'éducation et la sécurité des Psiots (Psiot Safety and Education Program, en abrégé PSEP), ni de la directrice Serena Byrne. Alors qu'elle est dans l'entrepôt qui lui sert de base en train d'analyser les données qu'elle a recueillies, elle est tirée de sa concentration par l'alarme : deux personnes sont à sa porte et essayent d'entrer. Il s'agit d'une femme et d'un homme et ils portent des lunettes de protection pour déjouer les systèmes de reconnaissance. Livewire n'éprouve aucune difficulté pour neutraliser l'effet de ces lunettes. Ils sont vite identifiés : John Wright conseiller de la ville de Los Angeles, et Gwen Goodman sa directrice de campagne.



John Wright et Gwen Goodman n'ont eu qu'à pousser la porte pour entrer dans l'entrepôt et Goodman considère les mannequins en en touchant un féminin. Wright la taquine sur son ex-copain, et elle répond sur le fait qu'à l'époque elle voulait être normale, avant de s'assumer comme lesbienne quelques temps plus tard. Amanda McKee les interrompt dans leur discussion en apparaissant sur un écran et en leur indiquant qu'ils ne sont pas les bienvenus. John Wright explique qu'ils voulaient lui parler et qu'ils savaient qu'elle ne prendrait pas leur appel. Gwen Goodman indique qu'elle va faire les présentations. McKee sait déjà tout d'eux, en ayant fouillé les bases de données auxquelles elle a accès. Il n'y a quasiment rien d'incriminant sur Wright. Ce dernier explique qu'ils sont venus parce qu'il se présente aux élections sénatoriales contre Jeffrey McCoy, le sénateur en place. Ce dernier clame haut et fort ses convictions contre les psiotiques : il aimerait bien qu'ils soient parqués dans des camps pour neutraliser la menace qu'ils constituent. Il a même fait de McKee l'incarnation des dangers causés par les psiotiques. Ils sont venus la voir parce qu'elle a un problème d'image médiatique. Gwen Goodman renchérit en indiquant que Livewire est considérée comme une criminelle par la police, et comme un monstre par le grand public. Elle lui expose son plan en 3 étapes, la dernière étant de déposer plainte contre le gouvernement des États-Unis pour persécution, emprisonnement non justifié, et tentative d'assassinat contre Amanda.



Dans Harbinger Wars 2 (2018, par Matt Kindt & Tomás Giorello), Amanda McKee commettait un acte impardonnable entraînant la mort de centaines de civils, des dommages collatéraux. Dans le tome 1, Vita Ayala explorait les ramifications de cette situation, en faisant montre d'une vraie affection pour Amanda. Dans le tome 2, l'héroïne devait reprendre pied, en recommençant à aider des psiotiques, tout en assumant son statut de criminelle recherchée par la police. Que reste-t-il à faire à Amanda McKee ? La scénariste propose une histoire où un politicien en campagne souhaite récupérer Livewire pour se faire mousser, pour faire du bruit médiatique afin de se faire remarquer. Elle utilise bien les conventions des récits de superhéros : costume moulant pour McKee, utilisation de superpouvoirs (Livewire se connecte avec tout outil ou accessoire contenant de l'électronique et en prend les commandes), combats physiques. Néanmoins, une fois parvenu à la fin de cette saison, le lecteur se rend compte qu'il n'y a pas d'ennemi doté de superpouvoir dans ces épisodes. Livewire lutte essentiellement contre des dispositifs anti-intrusion contenus dans les systèmes informatiques où elle s'introduit. Cela en devient même déconcertant parce que sous un habillage superhéros, l'histoire n'est pas celle du bien contre le mal. Amanda McKee reste cette personne qui, sous l'impulsion d'une immense colère, a causé la mort de centaines de civils. Cette action la qualifie de terroriste : elle a réalisé un acte de sabotage de grande envergure perpétré sur des civils, et destiné à frapper l’opinion publique.



Le lecteur se demande donc où va le mener cette tentative de récupération politique par un trentenaire bien sympathique, mais qui dissimule forcément quelque chose, qui a ses propres motivations cachées. Amanda McKee reste sympathique, mais la scénariste se fait fort de rappeler explicitement qu'elle a causé la mort d'innocents. Rien qu'avec ces prémices, ce récit sort du chemin bien balisé du comics de superhéros, avec un personnage coupable, sans excuse. En découvrant qui a dessiné ces 4 épisodes, le lecteur constate qu'il s'agit d'une nouvelle artiste qui succède à Raúl Allén (tome 1) et à Kano (tome 2). Il avait peut-être déjà eu l'occasion d'apprécier ses dessins dans LaGuardia (2018/2019) de Nnedi Okorafor. Tana Ford détoure les personnages avec un tait un peu épais, et applique une direction d'acteurs un peu appuyée, à a fois pour les postures et les expressions de visage. Cela concourt à la fois à ce que les personnages soient animés d'une réelle vitalité, mais aussi à les faire côtoyer la caricature, pour un effet un peu dédramatisant. Cela ne neutralise pas la tension dramatique, mais ça rend le récit moins pesant, moins grave. Le lecteur ressent qu'Amanda McKee, Gwen Goodman et John Wright sont habités par une réelle joie de vivre, ce qui ne les empêche pas de souffrir des coups du sort ou des moments pénibles. Lors de la manifestation des pouvoirs de Livewire, les images restent dans un registre de la normalité plausible avec des individus réalistes. Ainsi, le lecteur croit facilement à la discussion qui relève d'une forme de démarchage de la part de Wright & Goodman au profit de McKee, au talkshow plus vrai que nature, au déballage des motivations de John Wright prenant un verre chez lui pour se détendre le soir, aux petits fours de la soirée mondaine, et à l'opération de police pour arrêter un individu corrompu sur le pas de sa porte. La petite touche d'exagération de la direction d'acteurs confère une plus forte personnalité à chaque protagoniste, même ceux qui n'apparaissent que le temps d'une page.



L'artiste se montre tout aussi convaincante pour donner de la consistance aux différents lieux. Le lecteur accepte sans difficulté que les couloirs du Pentagone puissent ressembler à ce qu'elle a dessiné, et voit sur la page suivante des installations de poste de travail en bureau fonctionnelles. Par la suite, il retrouve l'entrepôt aux mannequins comme il l'avait vu dans le tome précédent. Il accompagne Wright & Goodman dans des rues de Los Angeles lorsqu'ils regagnent leur voiture. Il peut voir la splendide villa du sénateur dans les hauteurs d'Hollywood, le salon spacieux de Wright, et la très grande salle de réception avec ses petites tables à nappe blanche. Il est un peu surpris de découvrir que Tana Ford n'a pas eu le temps de finir le dernier épisode, Bruno Oliveira dessinant 8 pages plus appliquées avec des personnages beaucoup plus raides, et moins sympathiques. La différence de rendu permet de mieux apprécier tout ce qu'apporte Tana Ford à la narration et aux personnages.



Le lecteur se laisse donc facilement entraîner par ce trio de personnages sympathiques de prime abord, malgré leurs imperfections. Il comprend bien que John Wright manipule Amanda McKee, sans trop savoir s'il est un politicien véreux ou si la réalité est plus nuancée. Il n'a pas besoin d'explication pour comprendre que Gwen Goodman a bien l'intention de faire carrière et que le rapprochement avec McKee n'est qu'une étape sur un long chemin. Il grimace un peu devant le manque de subtilité des motivations du sénateur Jeffrey McCoy, ripou sans nuance, sans qualité rédemptrice. Il découvre petit à petit le réel enjeu du récit, avec une pointe d'étonnement. Vita Ayala utilise un ton plutôt bon enfant pour mettre en scène une action politique pragmatique, animée d'une bonne intention, tout en utilisant les outils existants, mis à sa disposition. Il n'y a pas d'angélisme : il y a une forme d'altruisme pragmatique nourri par de réelles convictions, chaque individu disposant de ses propres motivations personnelles et n'oubliant ses propres intérêts, une vision réellement adulte de la vie.



Ce chapitre de clôture de la saison dédiée à Livewire déconcerte par sa narration tout publique et peu anxiogène, par sa narration visuelle sympathique marquée d'une vraie personnalité, et par ses conventions superhéros présentes mais peu consistantes. Le lecteur prend peu à peu conscience que Vita Alaya raconte une histoire d'action politique aussi légitime que légale, pragmatique et ambitieuse, avec une évidence et une justesse remarquables dans un comics de superhéros.
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Livewire, tome 2 : Guardian

Ce tome fait suite à Livewire Volume 1: Fugitive (épisodes 1 à 4) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 5 à 8, initialement parus en 2019, écrits par Vita Ayala, dessinés et encrés par Kano qui a également réalisé la mise en couleurs. Les couvertures ont été réalisées par Kenneth Rocafort. Il contient également les couvertures variantes de Becca Farrow, Khari Randolph, John K. Snyder III, Paul Renaud et Rahzzah, ainsi que 9 planches à l'état d'encrage (sans la couleur), et 6 pages de commentaires illustrés rédigés par la scénariste.



À l'académie du Programme pour l'éducation et la sécurité des Psiots (Psiot Safety and Education Program, en abrégé PSEP), la directrice Serena Byrne s'adresse aux caméras pour expliquer que son établissement accueille des jeunes psiotiques (enfants et adolescents) pour leur apprendre à maîtriser leurs pouvoirs et à s'intégrer dans la société. Il s'agit d'un établissement en partie financé par des fonds publics. Quand elle a appris que monsieur et madame Daniels souhaitaient récupérer leur fille Phoebe enrôlée dans l'établissement PSEP, Amanda McKee a décidé de mener sa propre enquête en utilisant son superpouvoir pour s'infiltrer dans leurs bases de données et leur système informatique. Elle a vite découvert que le financement public vient de l'organisation OMEN avec qui elle a déjà eu maille à partir. Malheureusement elle n'arrive pas à pénétrer très profond dans le système car les pare-feux s'avèrent trop efficaces et la rejettent avec perte et fracas, occasionnant un saignement de nez pour elle. Dans l'une des salles d'entraînement de l'établissement PSEP, la jeune Phoebe Daniels est en train d'apprendre à se défendre physiquement contre les attaques de Jada, une grande femme blonde. Comme à chaque fois, Phoebe a le dessous et n'arrive pas à contrattaquer. Comme d'habitude, Jada la convainc de continuer d'essayer. En effet Phoebe a bien conscience de ce que lui a apporté le collier inhibiteur qu'elle porte et elle souhaite continuer à s'entraîner pour réussir à finir par maîtriser ce pouvoir et ne plus en avoir peur.



N'ayant pas réussi à récupérer d'informations utiles, Amanda McKee a décidé de se déplacer physiquement pour enquêter dans le bâtiment connu ayant abrité l'établissement PSEP. Elle arrive sur place par la voie des airs et commence à parcourir chaque pièce. Elle ne peut que constater que les responsables ont été très rigoureux dans le déménagement et qu'ils n'ont laissé aucun élément compromettant derrière eux. En entendant du bruit à l'extérieur, elle comprend que les responsables du PSEP avaient anticipé sa venue. Effectivement en regardant à l'extérieur, elle voit qu'il y a déjà une journaliste (Grace Roth) avec un caméraman, mais aussi un déploiement impressionnant de forces armées pour la capturer, car elle est toujours recherchée pour la panne généralisée qu'elle avait provoquée aux États-Unis. Dans les nouveaux locaux du PSEP, Phoebe Daniels pénètre dans une grande salle où les élèves sont venus écouter Serena Byrne. Jada rejoint Byrne et se place à côté d'elle. Serena Byrne propose à Phoebe de commencer, qu'elle prenne la parole pour exprimer ce qui la préoccupe.



En 2012, Joshua Dysart et Khari Evans donnent une nouvelle vie à la série Harbinger, reprenant les concepts imaginés par Jim Shooter deux décennies plutôt et donnant une rare consistance à Peter Stanchek et Toyo Harada, deux individus dotés de capacités extraordinaires. Une fois cette saison de Harbinger terminée, les responsables éditoriaux ont effectué plusieurs essais pour trouver des créateurs afin d'écrire une deuxième saison aussi réussie. Le lecteur n'avait pas été forcément convaincu, mais il avait repris espoir avec le premier tome de Livewire. Agissant selon ses convictions, Amanda McKee a dépassé les bornes et mis en danger de nombreux civils, certains en étant morts. Elle est donc irrémédiablement du mauvais côté de la loi. Pour ce deuxième tome, elle est à nouveau animée par une conviction intime : l'établissement PSEP cherche forcément à exploiter les jeunes psiotiques dont il a la charge, et c'est même vraisemblablement bien pire puisque derrière se tapît le projet OMEN. Bien sûr, sur le plan médiatique, pour le grand public, l'établissement PSEP offre une image rassurante d'une organisation gouvernementale officielle cherchant à intégrer les psiotiques. Avec le personnage de Phoebe Daniels, la scénariste montre le résultat concret du programme d'éducation et de sécurité : effectivement cette jeune adolescente n'a plus à craindre de détruire accidentellement son environnement, de faire du mal aux individus qu'elle côtoie, à commencer sa famille, par une manifestation incontrôlée de son pouvoir. Comme Joshua Dysart avant elle, elle sait montrer la complexité de la situation et son ambiguïté, tout en jouant sur la polarité bien/mal sur le plan moral.



Par la force des choses, le lecteur a pour réflexe de prendre parti pour Amanda McKee, une superhéroïne qi a fait partie de l'équipe Unity (mais aussi parce que c'est une série à son nom), et dans le même temps, il se demande régulièrement si elle ne se laisse pas emporter par ses convictions, oubliant d'avoir des preuves tangibles au préalable. Par ailleurs, Jada a à cœur d'aider Phoebe à prendre confiance en elle, et derrière le discours de façade pour les journalistes, Serena Byrne semble mener son école en respectant ses élèves. Pour ce deuxième acte, Raúl Allén a cédé la place à un autre dessinateur Kano, de son vrai nom Jose Ángel Cano López. Il dessine dans un registre très proche : descriptif et détaillé, les responsables éditoriaux de Valiant privilégiant ce type de dessins d'une manière générale pour l'ensemble de leurs séries. Comme le veulent les conventions des comics de superhéros, Amanda McKee a un corps très athlétique, et l'artiste ne résiste pas toujours à la tentation d'accentuer un peu la taille de sa poitrine, mais sans systématisme ni obsession mammaire. Les autres personnages ont des morphologies normales et différenciées. Il suffit de comparer la haute stature et la masse musculaire de Jada, à la frêle silhouette pas encore pleinement développée de Phoebe Daniels pour s'en rendre compte.



Le lecteur apprécie vite que Kano fasse l'effort de penser chacun des combats physiques de manière différente, avec un déroulement différent, des déplacements en fonction de l'environnement dans lequel ils se déroulent. L'artiste ne se contente pas d'aligner des cases avec des postures avantageuses, il montre comment les coups et les mouvements s'enchaînent, sans aller non plus jusqu'à une chorégraphie. Lors de ces affrontements, les expressions de visage deviennent plus appuyées, plus alimentées par la rage et l'agressivité. Même si les superpouvoirs permettent d'atténuer les chocs, Amanda McKee porte les marques des coups reçus : traces de sang sur le visage et sa tenue, ecchymoses marquées sur le visage. Comme d'accoutumée, ces traces ont tendance à vite se résorber en quelques pages. Comme dans le premier tome, Vita Ayala a apporté un soin tout particulier à la conception de l'apparence visuelle des pouvoirs de Livewire. Le lecteur sourit devant la représentation des pare-feux, à la fois littérale, et à la fois imaginative pour rendre compte de la manière dont Livewire les ressent. Il en va de même quand elle utilise ses pouvoirs alors qu'elle est attachée sur une chaise.



Kano s'avère tout aussi convaincant pour maintenir un degré de normalité dans la narration visuelle. Depuis sa réinstauration, l'univers Valiant reste plus près de la réalité que ceux de DC ou Marvel. Ici, le lecteur peut observer des bâtiments réalistes (estrade pour une conférence, salle d'entraînement, entrepôt servant de base à Livewire, bureau confortable avec une grande bibliothèque), des civils (ils sont en majorité écrasante par rapport aux psiotiques) en vêtements ordinaires, des activités banales (conférence de presse, journal télévisé, entraînement physique, retrait d'argent au distributeur automatique, discussion entre 2 personnes tranquillement assises sur une chaise). Ainsi le lecteur n'a pas à consentir des efforts démesurés de suspension consentie d'incrédulité pour pouvoir s'immerger dans le récit. Effectivement, il se laisse vite prendre à cette opération de sauvetage non demandée, à s'interroger si Amanda Mckee fait bien d'intervenir de manière musclée dans le PSEP, ou si elle se fourvoie. En particulier, il se demande si elle a bien pensé à ce qu'elle fera des enfants et des adolescents une fois qu'elle les aura libérés. Dans cette forme très codifiée de récit avec une héroïne, Vita Ayala parvient à réintroduire le doute sur l'intelligence des actions entreprises par le personnage principal, et sur leur bienfondé. Le doute est d'autant plus permis qu'elle a commis un acte irréparable dans Harbinger Wars 2 (2018, par Matt Kindt & Tomás Giorello).



Le premier tome établissait Amanda McKee dans une position inconfortable, et toujours animée par de fortes convictions. La scénariste se montre plus habile dans sa manière de mettre en scène son héroïne avec son caractère et ses contradictions, avec une narration graphique propre sur elle, peut-être un peu moins que celle de Raúl Allén, mais autant plausible et bien pensée.
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Morbius : Les blessures du passé

Porté par les très belles planches d’une équipe de dessinateurs aux talents appréciables, notamment les trois premiers chapitres dessinés par Marcelo Ferreira dont le trait sublime l’action et le caractère horrifique de certains passages, Morbius | Les Blessures du passé est un album qui peut mériter le coup d’œil mais qui ne nous paraît pas non plus incontournable dans le catalogue actuel de l’éditeur Marvel.
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Livewire Volume 1: Fugitive

L’héroïne Valiant Livewire est magnifiquement mise en valeur dans ce récit. Le propos social y est très maîtrisé avec différents niveaux de lecture très agréables et pertinents. Les dessins sont très beaux.
Lien : https://www.lescomics.fr/rec..
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