J’avais passé six ans dans cette chambre, six ans de rage, à me gaver de nourriture pour essayer d’oublier ma souffrance. Je comprenais à présent pourquoi maman s’était battue bec et ongles pour que j’aille à l’université –et m’avait laissée l’insulter, la déchirer avec mes mots cinglants quand on se bagarrait, elle et moi, parce que je refusais d’aller à l’école. Maman avait compris que la maison de grand-mère était dangereuse –avec ses meubles pesants et ses épais rideaux qui vous coupaient du monde, vous étouffaient, vous rendaient monstrueux et féroce comme un animal pris au piège.