— Je ne comprends pas cette mentalité. Faire des profits aux dépens de ses camarades soldats, surtout en temps de guerre ?
Presque chaque prisonnier vint assister à la procession funèbre. Ils s’étaient mis en rang le long du chemin depuis le Rhine Hall, où les funérailles se tenaient, jusqu’au portail principal, tous vêtus de leur uniforme de cérémonie : qu’ils aient été de la Wehrmach, de la SS, de la Kriegsmarine, de la Luftwaffe ou de la Légion étrangère n’avait aucune importance. Le camp entier se tenait côte à côte et regarda le cercueil recouvert du drapeau, lorsqu’il fut emporté sur un chariot tiré par un cheval emprunté à un fermier local.
Une garde d’honneur formée par des prisonniers, incluant le sergent Neumann, marchait devant le chariot. Les Veterans Guards avaient même formé leur propre garde d’honneur devant les Allemands : une cornemuse joua Amazing Grace et une version du O Esca Viatorum, ainsi que de la Marche funèbre de Beethoven. Bien qu’il fût étrange d’entendre de la musique allemande jouée sur un instrument aussi peu germanique qu’une cornemuse, c’était un geste plein d’attention de la part des Canadiens.
Il avait déjà survécu à une guerre, il se rappelait le soulagement qu’il avait ressenti à l’armistice et l’euphorie d’être en vie. Mais il y avait aussi la culpabilité écrasant qui venait avec la chance d’avoir survécu quand des millions d’autre étaient morts.
(Alire, p.269)
Il était triste que la plupart des gens se souviennent du nom du fils de Sam ou du type qui a tué quatorze femmes à la Polytechnique de Montréal, mais que presque personne, à part les familles, ne se rappelle le nom des personnes assassinées.
C’était le nom du criminel qui avait le plus d’écho, qui était gravé dans la mémoire de l’événement, alors qu’en vérité c’étaient les victimes qui méritaient d’être commémorées.
Le meurtrier devait être oublié, mais pas l’acte qu’il avait commis. Car si nous nous rappelions l’acte, nous pourrions peut-être empêcher qu’il se reproduise
Je sentais que Conlee ne méritait pas le même genre de reportage sur sa vie que Grace. Il me semblait qu’à chaque horrible meurtre ou acte violent, tout le monde – pas seulement les médias, mais bien les lecteurs et les consommateurs de médias – était avide de lire autant d’informations que possible sur le meurtrier.