On dit qu'on est ce que l'on mange et, maintenant que je suis en train de mourir, je sais que c'est la dure réalité. Ou plutôt non, c'est plus complexe : une réalité dure et... gélifiée en même temps, une réalité gluante, poisseuse et coagulée. C'est une gélatine de preuve rose et visqueuse dans un brouet grumeleux de pièces à conviction. C'est une confirmation filandreuse qui s'incruste comme une fibre de viande entre les dents. Non que j'aie encore mes dents, vous vous en doutez; si je dis ça, c'est parce que, récemment, je me suis surprise à en rêver, à rêver d'avoir de nouveau des dents à moi, à me demander quel effet ça faisait d'avoir ses propres dents. Quoi qu'il en soit, on est ce que l'on mange et, dans mon cas, ça signifie cette tambouille d'hôpital, qui semble avoir été concoctée- je n'ose pas dire cuisinée- spécialement pour glisser le plus vite possible dans les quasi-cadavres que nous sommes.