AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Pheasent


ACTE I SCÈNE I
ROMÉO

O substance issue du chaos !
O profonde pesanteur, suffisance,
Difforme abîme de nettes figures,
Mercure, colombe, livide astre, langueur,
Douteuse ombre, qui n'est point ce qu'elle semble !
Martyre que j’endure, qui ne souffre pas la compassion.
Quoi, vous ne raillez pas ?

BENVOLIO
Non, cousin, je me chagrine plutôt.

ROMÉO
Gentille âme, de quoi ?

BENVOLIO
De voir votre délicate âme foulée.

ROMÉO
HA! Ce n'est rien autre chose que l'amour qui injure :
Mon coeur gémit d'amertume,
Et vous le voulez outrer de vos peines ; car cette compassion que vous m'aviez témoignée
Ne fait qu'aggraver mes souffrances.
L'amour est une haleine qui s'exhale d'un soupir,
Ménagé, il paraît un astre qui, dans les prunelles des amants, étincelle ;
Contrarié, il se métamorphose en un océan où se précipitent leurs larmes éperdues.
Qu'est-ce encore ? Le plus raisonnable des caprices,
Une humeur furieuse et un délice salutaire.
Adieu, cousin.

BENVOLIO
Un instant, je vous tiendrai compagnie encore.
C'est me faire injure que de me délaisser ainsi.

ROMÉO
OH! mon âme divague, elle n'est point ici,
Cette dépouille n'est point Roméo, Roméo est ailleurs.

BENVOLIO
Décelez-moi, avec amertume, l'objet de votre passion.

ROMÉO
Comment, dois-je gémir et vous déceler ?

BENVOLIO
Gémir ? Non point ; mais en échapper amèrement l'objet.

ROMÉO
Proposer à un homme indisposé amèrement de dire ses dernières volontés :
C'est faire montre d'indélicatesse envers un être si délicat.
Avec amertume, cousin, je suis épris d'une femme.

BENVOLIO
Je tirai heureusement lorsque je conjecturais que vous étiez épris.

ROMÉO
Adroit tireur ; et ma bien-aimée est attrayante.

BENVOLIO
Une attrayante cible, attrayant cousin, est promptement touchée.

ROMÉO
HÉ! pour ce coup c'est raté : elle ne sera pas touchée
De la flèche de Cupidon ; elle est dotée de la verve de Diane,
Et, équipée d'une ceinture de chasteté infranchissable,
Aux puérils traits sournois de l'amour elle n'est point susceptible.
Elle ne peut ni souffrir les assiduités courtoises,
Ni succomber aux regards ensorceleur,
Ni s'enticher de la séduction immaculée qui se dégage du franc or.
OH! elle est féconde en appâts, néanmoins infertile,
En ce qu'à sa mort, ses appâts se dissiperont sans profit.

BENVOLIO
Elle a donc fait voeu de chasteté ?

ROMÉO
Oui, elle a fait, et par cette continence, s'est lésée :
Car ses appâts exténués par son austérité
Ont rompu les noeuds à jamais.
Elle est trop attrayante, trop chaste, trop chastement attrayante,
Pour se prévaloir du bonheur en me réduisant au désespoir :
Elle s'est résolue à ne plus aimer, et cette résolution,
Qui achève de me mortifier, me voici réduit à la constater maintenant.

BENVOLIO
Confiez-vous à mes soins, ne pensez plus à elle.

ROMÉO
OH! apprenez-moi comment je pourrais n'y plus penser.

BENVOLIO
Pour vous désabuser de cette fascination,
Considérez d'autres appâts.

ROMÉO
C'est la manière,
La meilleure, de rehausser les siennes, exquises.
Ces masques fantasques qui déguisent le front des dames attrayantes,
Etant noirs, nous instruisent qu'elles dérobent l'attrait.
Celui qui a été frappé de cécité ne laisse pas de se rappeler
La faveur qui lui a destitué la vue.
Signalez-moi une maîtresse qui passe comparaison,
A quoi me servirait sa beauté sinon d'une règle
Qui pourrait m'instruire au sujet de qui passe toute comparaison ?
Adieu, vous ne pouvez pas m'apprendre à n'y plus penser.

BENVOLIO
Je me revancherai de ce prône, ou trépasserai ingrat.


ACTE I SCENE II

Entrent CAPULET, le Comte PÂRIS et [un valet] LE CUISTRE.

CAPULET
Mais Montaigu a été comme moi condamné,
À la même pénitence, et ce n'est point pénible - il me semble
- Pour nous, deux bonshommes, de se surveiller.

PÂRIS
D'une illustre race vous êtes et l'un et l'autre issu,
Et je déplore que vous ne succédâtes jamais, ni à vous entendre ni à vous souffrir.
Et maintenant, monseigneur, quelle réplique donnez-vous à ma requête ?

CAPULET
Je vous réplique tellement que j'ai fait auparavant :
Mon enfant est niaise encore ;
Elle n'a pas admiré le crépuscule de sa quatorzième année.
Laissons deux étés, encore, perdre de leurs humeurs fastueuses
Avant que nous puissions envisager ses fiançailles.

PÂRIS
De plus précoces, sont des femmes faites.

CAPULET
Et ont bientôt fait d'enticher ces femmes précocement faites.
La Terre a enseveli tous mes espoirs sauf elle,
Elle est ma féconde semence.
Courtisez-la, galant Pâris, captivez-la,
Mon avis, à son suffrage se résoud,
Et si elle est d'accord, dans l'urne de son élection
Rangent mon suffrage et mon vote impartial.
Ce soir je célébrerai une fête qui a passée coutume,
A laquelle j'ai convié un grand nombre de gens,
Ceux que je chéris, et, de cette compagnie, vous,
- Qui êtes aussi convié - venez rehausser le nombre.
Dans ma modeste demeure, préparez-vous à jouir ce soir
Le commerce des plus éclatantes éminences qui se déclarent dans l'éther.
Tous les agréments dont de gaillards jeunes hommes jouissent
Lorsque la fastueuse Avril sur les talons
De l'impotent Hiver traîne, de mêmes délices
Auprès d'une biche pétillante qui s'épanouit vous seront ce soir
Dispensées dans ma demeure. Toutes oyez, toutes considérez,
Et n'accordez votre préférence qu'à celle dont le mérite excellera,
Parmi la foule de ces fronts où un mien front
Soutient, qui tient pourtant d'un lignage sans comparaison.
Venez, allons.

[Au valet]
Allons, suffisant, tracasse.
A travers l'attrayante Vérone retrouve ces particuliers
Dont les noms sont inscrits là, et annonce-leur
Que ma demeure et mon hospitalité à leur seul bon gré se tiennent.

Sortent[CAPULET et PÂRIS]

LE CUISTRE
Identifions ces gens dont les noms sont inscrits ici. Il est noté que le cordonnier devrait raboter et le tisserand concevoir ses élucubrations et le pêcheur retirer sa ligne et le peintre élaborer ses toiles. Cependant, j'ai ordre d'aller retrouver ces particuliers dont les noms sont ici rédigés, et je ne puis même pas déchiffrer quels noms l'auteur a ici écrits. Il faut m'en rapporter à un lettré. A la bonne heure.
Commenter  J’apprécie          40





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}