Dans son verre de Spritz, la fonte des glaçons créait des filaments transparents qui remontaient à la surface avec d’imperceptibles remous. Il voyait jusque dans un verre ses travaux sur la fonte des calottes glaciaires.
Avec le temps, ils finiraient par former un très beau trouple, naturellement. Édouard était sérieux, eux aussi. Dès lors que l’un l’était, l’autre s’alignait, de toute façon. Bien sûr, Alban s’attachait à Édouard : il lui faisait voir son frère sous un angle neuf. Il introduisait dans leur relation une altérité réelle, sans pour autant briser ce qu’à deux, singulièrement, ils étaient. C’était le bon équilibre. Pourquoi le compromettre ?
On nageait en plein délire d’irresponsabilité. Mais tant mieux, cela prouvait que son idée était bonne. Parce que si rien ne se passait, ce n’était pas par ignorance du problème – tout le monde savait, bien sûr –, c’était par inertie. Il y avait face aux enjeux de l’heure une velléité paradoxale, comme on en avait face à tous les terrifiants secrets : ils étaient là, tranquille, à se la couler douce alors que le monde s’effondrait.
Qu’est-ce qui nous caractérise ? Toi, moi ? C’est bien moins d’avoir commencé à vivre avec internet, je pense, que d’avoir vécu d’emblée avec la conscience, portée par nos parents grisonnants, de l’imminence du désastre écologique, économique, urbain, politique, enfin, toutes les dimensions peuvent y passer. Là est la nouveauté. »
Il y a deux attitudes possibles, partant de l’expression “être la dernière génération”. Celle qui, comme toi, l’assume et dit : “Nous sommes la dernière génération, pas de problème, allons-y, tout est permis !” Et celle qui, au contraire, fait tout pour ne pas l’être. En gros, le cynique et celui qui essaie d’agir.
Nous sommes la première génération à savoir qu’elle sera peut-être la dernière. Il suffit d’observer comment la nomenclature des générations qu’on établit depuis quelques décennies, X, Y, Z, se trouve maintenant à bout de souffle, relayée par l’attrayant vocable de millenial.