Le visage mortel
Le jour se penche sur le fleuve du passé
Il cherche à ressaisir
Les armes tôt perdues,
Les joyaux de la mort enfantine profonde.
Il n’ose pas savoir
S’il est vraiment le jour
Et s’il a droit d’aimer cette parole d’aube
Qui a troué pour lui la muraille du jour.
Une torche est portée dans le jour gris.
Le feu déchire le jour.
Il y a que la transparence de la flamme
Amèrement nie le jour.
Il y a que la lampe brûlait bas,
Qu’elle penchait vers toi sa face grise,
Qu’elle tremblait dans l’espace des arbres,
Comme un oiseau blessé chargé de mort.
– L’huile brisant au port de la mer cendreuse
Va-t-elle s’empourprer d’un dernier jour,
Le navire qui veut l’écume puis la rive
Paraîtra-t-il enfin sous l’étoile du jour ?
Ici la pierre est seule et d’âme vaste et grise
Et toi tu as marché sans que vienne le jour.
(audio : https://motslies.com/2016/05/13/almanach-yves-bonnefoy/)