Claude Simon et la peinture .
Patrick Longuet,Brigitte Ferrato-Combe,Yves PeyréCC-BY-NC-ND 2.0Table ronde animée par
Patrick Longuet, maître de conférences à l?université de Savoie, auteur de "Lire
Claude Simon", conseiller scientifique de l?exposition. Avec : Brigitte Ferrato-Combe, maître de conférences à l?université Stendhal-Grenoble 3, auteur de "Écrire en peintre.
Claude Simon et la peinture" ;
Yves Peyré, écrivain, spécialiste des relations arts-ittérature
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QUI VEILLE
I
Ciel de cœur
noir,
un éperdu silence aux tempes,
tout battement
est nuit
qui sèche sur la page
en abrupt
visage de terre.
La cassure
du ciel s'énonce comme un fracas,
toute peur,
frisson, plénitude,
et se retire
la terre sans visage.
La nuit,
je la retourne comme un soleil
dans la plaie du ciel,
une voix
crie et hésite entre soi et azur,
flexible
indécision mêlant sanction et désir,
la page seule
est noire de cœur.
… là où une corde
se rompt,
prend vol une autre vie.
La reliure est une manière assez fascinante de rencontrer l’histoire des formes et des mentalités. L’art dont elle est incontestablement le plus proche est l’architecture. Sans doute parce qu’elle fait partie elle-même d’une construction, le livre matériellement érigé. Elle a plus de connivence avec cet art qu’avec la sculpture par exemple malgré sa part d’objet, infiniment plus qu’avec la peinture en dépit du décor.

Longtemps la reliure a été la simple façon de finir un livre, de le porter à son achèvement. Ce fut ainsi des manuscrits à peintures jusqu’au tout début du XIXe siècle. On ne se posait pas la question de la reliure mais de quel type de reliure, on pouvait opter pour une individualisation partielle par les armes qui renvoyait à l’appartenance, à l’identité du possesseur ; on avait la latitude au contraire de commander une véritable œuvre d’art comme s’y engagea merveilleusement un collectionneur tel que Grolier ; on ne manquait pas aussi, plus simplement encore, de s’en remettre à une reliure fonctionnelle, assez modeste, souvent en parchemin. Avec l’apparition de la couverture imprimée, l’ordre des choses changea considérablement. D’absolument nécessaire, la reliure devint aléatoire. Sa présence tenait désormais à la volonté du lecteur qui pouvait privilégier le livre broché ou souhaiter le recouvrir d’un signe distinctif. La reliure du Consulat et de l’Empire connut cette alternative. À côté des livres brochés et parfois cartonnés, la présence de la reliure se maintint et fut un signe souvent de beauté à l’époque romantique. Si l’apparition de l’ère des modernités (à compter de 1870) exigea une nouvelle forme de reliure en franche rupture le plus souvent, le dilemme demeura : reliure ou pas reliure. Soit on gardait le livre dans la forme que lui avait donnée l’éditeur, soit on le parait d’une originalité protectrice et monstratrice que ni l’éditeur ni l’auteur n’avaient choisie. La reliure relevait du libre arbitre du collectionneur, de la reprise d’une tradition ancienne, de la soumission à une règle tacite.
C'est de correspondance qu'il faut plutôt parler ou, avec Ponge, d' "orgasmes rigoureusement homologues" (ou encore) d' "amitiés stellaires" selon le raccourci de Nietzsche.
La reliure est en somme l’un des reflets de l’art du moment. La période moderne qui commence dès 1870 en témoigne au plus haut point. Ainsi, le japonisme, l’Art nouveau sous toutes ses formes et sous toutes les latitudes, l’Art déco, le fonctionnalisme, les tendances du constructivisme et du surréalisme l’imprègnent, la poussant vers la quête incessante de chefs-d’œuvre.
Les peintres peuvent en venir autrement à la langue et même sans écrire. Il leur suffit de lire, d'accueillir la parole du poète qui tombe en eux comme la différence bienfaisante, la confirmation de soi par le tout extérieur.
Quelle soie aux baumes de temps
Où la Chimère s'exténue
Vaut la torse et native nue
Que, hors de ton miroir, tu tends !
Les trous de drapeaux méditants
S'exaltent dans notre avenue :
Moi, j'ai la chevelure nue
Pour enfouir mes yeux contents.
Non ! La bouche ne sera sûre
De rien goûter à sa morsure
S'il ne fait, ton princier amant,
Dans la considérable touffe
Expirer, comme un diamant,
Le cri des Gloires qu'il étouffe.
Quelle soie aux baumes de temps
Où la Chimère s'exténue
Vaut la torse et native nue
Que, hors de ton miroir, tu tends !
Les trous de drapeaux méditants
S'exaltent dans notre avenue :
Moi, j'ai la chevelure nue
Pour enfouir mes yeux contents.
Non ! La bouche ne sera sûre
De rien goûter à sa morsure
S'il ne fait, ton princier amant,
Dans la considérable touffe
Expirer, comme un diamant,
Le cri des Gloires qu'il étouffe.
(Stéphane Mallarmé)
Une dentelle s'abolit
Dans le doute du Jeu suprême
A n'entr'ouvrir comme un blasphème
Qu'absence éternelle de lit.
Cet unanime blanc conflit
D'une guirlande avec la même,
Enfoui contre la vitre blême
Flotte plus qu'il n'ensevelit.
Mais, chez qui du rêve se dore
Tristement dort une mandore
Au creux néant musicien
Telle que vers quelque fenêtre
Selon nul ventre que le sein,
Filial on aurait pu naître.
(Stéphane Mallarmé)
Très tôt, au milieu des lectures fiévreuses (...), Mallarmé a excepté deux hommes qu'il considéra à tout jamais à part, ils furent pour lui des paradigmes, des saints, des élus, des proches tout autant, des frères même, bien qu'ils fussent des devanciers, aussi immédiats que possibles cependant. A ses yeux, ils incarnèrent l'absolu de la poésie. Il s'agit de Baudelaire et de Poe, par plusieurs côtés indissociables.