DIVISION :
Le harceleur sépare sa victime de l'ensemble des salariés de l'entreprise afin que celle-ci ne puisse recevoir ni soutien ni compréhension. Il use pour cela de plusieurs mécanismes.
–Captation : le harceleur séduit ou contrôle l'entourage de sa victime, le mettant dans son camp .
–Clivage : le harceleur s'attaque à la cohérence interne de la victime dissociant sa personnalité en secteurs : « vous avez de bonnes capacités mais un caractère exécrable, une intelligence moyenne et un physique intéressant »
(« Découpe » sauvage, style « boucher »).
- Isolation : le harceleur se comporte comme si la victime ne faisait pas partie de l'entreprise, ne lui adressant pas la parole, faisant comme si elle était transparente ou l'enfermant, au propre ou au figuré, dans le fameux « placard ».
L'agresseur, comme l'indique l'étymologie, fait une « démarche », c'est-à-dire qu'il « s'avance » (ad-gressere) de manière visible est clairement hostile.
On voit généralement d'emblée où « il veut en venir ».
Il n'en va pas de même du pervers qui agit de manière subtile et souvent longtemps inapparente
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Le harcèlement moral est, en effet, lié à un défaut de reconnaissance d'un sujet dans son humanité, c'est-à-dire dans son honneur et sa dignité.
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Contrairement à la loi morale, l'éthique ne porte pas sur ce qu'est l'homme dans son environnement social, moral, juridique mais sur ce dont il est capable. Ce qui est en cause dans l'éthique, c'est bien la capacité de l'homme.
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Le harcèlement moral, dans l'entreprise, dans la société, dans la famille a pour manifestation première d'empêcher la représentation et pour cela, de produire un «effort pour rendre l'autre fou ». L'analogie avec la corrida peut être reprise et on dira que le premier levier pour rendre le fauve fou à la merci du matador consiste à lui faire «perdre la tête», et à sortir de son champ de représentation instinctive. Un fauve en combat, même s'il ne s'agit pas évidemment d'un processus intellectuel, se « représente » les dangers de tels adversaires, situations, agressions. Jouant de sa cape, mais aussi du caractère insolite de l'arène, du bruit qui émane des spectateurs, peut-être même de son étrange « costume de lumière », le matador place le taureau hors du champ de ce qu'il connaît, de ce qu'il peut se peut représenter, de ce à quoi il peut réagir.
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Viendra-t-il le temps où, comme cela commence à se faire en matière de violence psychique au travail, dépouiller un être humain de sa dignité, au sens fort et fonctionnel que je donne à ce mot, relèvera des mêmes punitions et opprobres publics que les chantages, les prises d'otages, les autres actes de cruauté?
C'est une autre caractéristique singulière du Mal, au sens que je donne à ce terme, que sa destructivité absolue. La maladie altère la santé, le malheur perturbe l'existence, la méchanceté blesse celui qu'elle atteint, la malignité ronge celui qu'elle touche. […] Pour aller plus loin encore, nous dirons que le Mal ne fait pas souffrir au sens étymologique et radical du terme puisque ce mot implique que nous « supportions ». L'effet du Mal tel qu'on le ressent relève de la douleur absolue, c'est-à-dire de l'épreuve insupportable sans visage, sans mots, sans localisation, fluide et ravageur comme la tornade qui ne laisse après elle que décombres et désolation.
ça arrive toujours autrement, comme on pouvait le prévoir,
mais, alors, autrement.
Par exemple, on pourrait croire que les livres
on les trouve dans les librairies.
Pourtant ça vous arrive parfois autrement
par ricochet, en un clin d'oeil
par un tour de passe-passe :
de vrais livres de passe
Ils savent vous trouver là vous êtes.
Ils vous ont repéré(e) là où vous êtes.
Ils vous ont repéré(e) ces guetteurs de signe
ces explorateurs de la langue,
ils savent vous débusquer
lettres d'ami(e)s attentivement Charles Juliet (Meyeleb)
Dans un registre moins extrême concernant le monde du travail, on veille à présent à distinguer fortement entre, d'une part, le caractère éprouvant des conditions de travail dites « stressantes », « pénibles » voir « mal-traitantes » et, d'autre part, les atteintes à la dignité et à l'intégrité de la personne humaine ; c'est dans ces cas seulement qu'on parlera de harcèlement moral par manipulations perverses.
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Caractéristiques du COMPORTEMENT pervers
–Le pervers « tourne–boule », « chamboule », « fait tourner en bourrique ». On se réfère à l'étymologie du mot pervers (« per–vertere »), c'est-à-dire retourner complètement.
–Il manipule.
- Il parle à sa victime avec sous-entendus, obscurité, ambiguïté, contradiction obtenant ainsi : l'emprise, l'amenant à une incapacité à se dégager pour agir selon son désir propre.
–Cela aboutit pour la victime à être « K.O. debout » en ce sens qu'elle ne comprend pas « ce qui lui arrive ». Elle se pose interminablement des questions sur la situation, sur elle-même…
–Le pervers ne s'attaque pas à ce que FAIT la victime mais à ce qu'elle EST . Il y a donc une atteinte à sa personne en la dépouillant de son honneur et de sa dignité.
–Le pervers agit de façon imprévisible, ce qui empêche la victime d'élaborer un mode de défense, de savoir « sur quel pied danser »
- Le pervers se plaint à l'entourage de la victime afin de l'isoler selon la technique habituelle du prédateur : le loup qui isole un mouton du troupeau.
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