Elle aurait voulu rester là, blottie dans un coin de ces parcs dont les grands arbres séculaires ployaient sous le vent, et le tonnerre qui tant l’effrayait d’habitude, lui devenait maintenant plus acceptable. Il donnait la note de ses pensées agitées et reflétait bien son âme. Elle trouvait que ce mauvais temps qui escortait son retour était le seul convenable, le seul digne de faire cortège à sa profonde tristesse. Comme la nature, elle subissait les rafales d’une tempête qui, pour être intérieure, n’en restait pas moins violente.
Au crépuscule, dans l’atmosphère où se jouaient les bruits confus de la vague, sous les senteurs balsamiques de la dernière amasse, leurs lèvres en s’unissant, leur révélèrent le secret de leur coeur. Le temps n’existait plus et tous deux buvaient à la coupe du bonheur.
La longue poignée de mains qu'ils échangèrent indiqua aux personnes présentes qu'un fort lien les unissait déjà. Sans doute, était-ce ce lien moral qui résiste à tous les assauts et qui conduit sans effort ceux qu'ils attachent jusqu'au terme de l'existence.
Ecoute-moi bien, la nuit s'achève. Dans quelques instants, nous allons apercevoir le rayon vert, annonciateur de la lumière du jour. Nous l'apercevrons sûrement car le ciel est pur et sans nuages. Or, de l'Inde orientale à l'Egypte des pharaons, il est coutume qui se perd dans la nuit des temps. La tradition qui s'attache à cette coutume nous apprend que les serments faits pendant que paraît le rayon vert sont indissolubles. Ces voeux se réaliseront toujours, mais ils engagent la vie de ceux qui mentent à leurs serments.
Madame Delay et sa fille trouvèrent un air particulièrement imposant au splendide hôtel Renaissance, que Mr Dubarry avait appelé "sa maison". Une lourde porte de fer forgé s'ouvrit devant elles avec une lenteur solennelle, la lenteur d'une marche nuptiale, comme si elle avait conscience de son rôle de gardienne du sanctuaire où régnait dans le silence, en souveraine, la beauté, ou bien, comme si elle regrettait de livrer des trésors aux yeux des profanes.
Légèrement ivres, ils s'étaient renversés sur leurs sièges et la vive lumière des étoiles brûlait leurs yeux. Des larmes silencieuses tombaient en même temps que se précisait le caractère providentiel de leur rencontre. Ils restèrent ainsi plongés dans leurs réflexions, particulières ; sondant, chacun de son côté, les profondeurs qui les séparaient de leur jeunesse.
- Y a-t-il longtemps que vous attendez, Fernand ? Suis-je en retard ?
- Raymonde, vous n’êtes jamais en retard, puisque vous êtes toujours avec moi, cependant, en vous attendant, je pensais à quelque chose de grave.
- De grave ?
- Oui, je n’ai pas osé vous en parler jusqu’à ce jour et il me semble que, de vous le dire, cela me soulagerait. J’ai là un grand poids qui m’étouffe. Et Fernand montrait son coeur.
Ici, près du grand Océan, le confident de ses secrètes pensées, sous la faible crainte que fait naître en elle son murmure, elle vient se reposer du travail de l’année passée et prendre de nouvelles forces pour les efforts de l’année à venir. Dans le choeur des bruits confus et enveloppants des eaux, elle berce, pour l’endormir, sa grande peine.
J'excuserai à la rigueur des gens affamés qui couvriraient une femme d'invectives blessantes, si toutefois elles étaient motivées ; mais, je reste stupéfait devant l'acharnement de gens repus qui lui font mal pour le plaisir de lui en faire. L'humanité serait-elle donc aussi humiliante, pour certains ?
Il parla longtemps, avec l'assurance de celui qui sait se rendre intéressant. Il s'arrêtait parfois, non pour chercher ses idées, mais pour se recueillir, comme s'il interrogeait un absent... puis il continuait son récit.