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Critiques de Zaki Laïdi (4)
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Le reflux de l'Europe

La messe serait déjà dite avant que d’être célébrée. Les élections européennes des 22-25 mai 2014 feront le constat désabusé d’une Europe en perte de vitesse. Ébranlée par la crise de l’euro, décrédibilisée par son incapacité à parler d’une voix unique sur la scène mondiale, structurellement fragilisée par son atonie démographique, l’Europe n’aurait plus le vent en poupe face aux BRICs qui la talonnent voire la dépassent.



Zaki Laïdi nous invite à reconsidérer ce « reflux de l’Europe » au-delà de ces a priori simplistes. Son court ouvrage comporte deux parties. La première est consacrée à la crise de l’euro. Il rappelle que cette crise n’est pas née en Europe mais aux États-Unis. Sa propagation au Vieux continent a révélé les faiblesses intrinsèques du modèle européen. Une union monétaire sans union budgétaire n’est en effet viable qu’à condition de respecter une discipline stricte. Or, la vertu ne suffit plus face à la bourrasque dans laquelle l’économie mondiale est emportée en 2008. Une crise relativement limitée (la Grèce ne représente que 2 % du PNB européen) fait trembler l’Europe sur ses bases.

L’Europe qui, depuis sa création, avait promu des principes de régulations stables capables de réduire les risques systémiques mondiaux devient brusquement à son tour un facteur de risques. Renversant les perspectives, Zaki Laïdi examine les répercussions internationales de la crise de l’euro. Les États-Unis ne se sont pas réjouis longtemps de l’affaiblissement d’un concurrent économique. Ils ont très vite mesuré les risques commerciaux et financiers induits : baisse des importations européennes, exposition de leurs banques. Aussi ont-ils pris partie en faveur des positions françaises, n’hésitant pas à afficher, par exemple lors du sommet du G20 à Cannes en novembre 2011, un soutien inédit au président français. La position de la Chine est plus intéressante. L’Europe est son premier client – devant les États-Unis. Elle a donc tout intérêt à ce qu’elle ne réduise pas ses achats. La Chine ne mesure pas la dimension transnationale de l’Europe. Elle n’y voit qu’un jeu interétatique et a choisi son interlocuteur : ce sera l’Allemagne, la puissance la plus forte et le partenaire commercial le plus important.



Zaki Laïdi constate que le modèle multilatéral prôné par l’Europe a atteint ses limites. La décennie 1990 aura marqué un âge d’or hélas bien vite périmé : sommet de Rio en 1992, création de l’OMC en 1994, traité d’interdiction complète des essais nucléaires en 1996, protocole de Kyoto en 1997, création de la Cour pénale internationale en 1998 … Tout semblait sourire au multilatéralisme après l’effondrement du duopole américano-soviétique. Le monde au XXIème siècle est devenu multipolaire ; il n’en est pas pour autant resté multilatéral. Au contraire : on assiste à la résurgence du souverainisme dans les relations internationales. L’Europe en fait les frais dans deux domaines où elle avait beaucoup investi : le climat et le commerce. Copenhague a constitué un camouflet pour l’Europe. Elle a été marginalisée par les États-Unis et les pays émergents qui ont négocié, sans elle, un accord a minima. Le cycle de Doha connaît un sort identique. L’impasse qu’il rencontre conduit à la multiplication d’accords bilatéraux. C’était hier un accord entre l’UE et la Corée du Sud ; ce sera demain peut-être le TTIP avec les États-Unis qui bénéficiera au premier chef au Royaume-Uni dont on néglige qu’il deviendra en 2030 la première puissance économique européenne devant la France et l’Allemagne.



Le bilan est-il si sombre ? Il l’est du point de vue de la construction européenne. Il l’est moins du point de vue des États européens. Comme le montre l’actualité stratégique, l’Europe bégaie quand elle ne balbutie pas ; mais les États européens sont, eux, plus actifs que jamais. La France intervient en Côte d’Ivoire, en Libye, en Centrafrique. Les Allemands affirment haut et fort leurs intérêts nationaux, tenant tête aux Américains en Irak, écornant l’amitié franco-allemande au Mali. Les Britanniques, quant à eux, referment le cycle de Suez en intensifiant leurs relations avec la France.

Zaki Laïdi retrouve ainsi la thèse inlassablement défendue par Maxime Lefebvre : la construction de l’Europe est d’abord celle des nations qui la composent.
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Le monde selon Obama

A lors que Obama brigue un second mandat, le livre de Zaki Laïi est l'occasion d'un bilan de son premier. Deux sentiments avaient accompagné, en Europe, sa victoire il y a quatre ans. Le premier fut une soudaine poussée d’Obamania : tout allait changer, dans la gestion américaine des affaires du monde, après le double mandat de George W Bush et des néoconservateurs honnis. Le second, exactement symétrique, fut un appel à la prudence : il ne fallait pas trop attendre de Barack Obama, un président peu familier des questions diplomatiques, guère enclin à se rapprocher de l’Europe et prisonnier d’un système américain de décision qui rend impossible un revirement radical.



Zaki Laidi évite ces deux postures excessives et nous invite à une appréciation apaisée de l’action diplomatique d’Obama. Il le décrit comme un « réaliste à sang froid » peu enclin à poursuivre le messianisme démocratique de ses prédécesseurs immédiats. Conscient de l’antipathie croissante que son pays suscite à travers le monde, il a affirmé dans des discours importants, au Caire, à Moscou et à Shanghai, qu’il ne revenait pas aux États-Unis d’imposer à la planète entière son modèle politique. Au prosélytisme démocratique, il préfère des enjeux de sécurité plus classique : le désarmement nucléaire, la non-prolifération.



Le réalisme d’Obama l’a conduit à désidéologiser la « guerre contre la terreur » et à lui substituer un combat plus pragmatique contre un adversaire clairement désigné : Al Qaida. Il s’est employé à montrer que le combat contre ce groupe terroriste n’en recouvrait pas un autre, plus large, dirigé contre l’Islam. Il a hérité de l’administration deux conflits interminables en Irak et en Afghanistan, « deux guerres qui, par leur nature asymétrique, ne pouvaient et ne peuvent ni être totalement gagnées ni totalement perdues ». Sur ces deux théâtres, auxquels Zaki Laidi consacre deux longs chapitres très fouillés, il faut « partir sans s’enfuir », trouver un plan de sortie.



En réaliste qu’il est, Obama n’entend pas renoncer au leadership de la puissance américaine. Mais l’exercice de cette puissance n’est plus le même depuis la fin de la Guerre froide. Zaki Laidi dessine les contours d’une multipolarité complexe organisée autour de sept pôles de puissance : la « Triade » et les quatre BRICs. Tout porte à penser que, avant vingt ans au moins, les États-Unis resteront la première puissance mondiale. Cela ne signifie pas pour autant que le monde soit unipolaire : les États-Unis ne souhaitent ni ne peuvent intervenir partout. Que l’émergence de la Chine conduise demain à un duopole sino-américain ne signifie pas non plus qu’on renouera avec les heures glorieuses de la bipolarité américano-soviétique : cela signifiera simplement qu’aucun enjeu global ne se règlera sans l’intervention de ces deux acteurs principaux – sans malheureusement garantir que leur intervention conjointe garantisse son règlement.



Cette multipolarité complexe explique le minilatéralisme prôné par l’Amérique d’Obama. Les puissances étant inégales, les problèmes nombreux, les intérêts disparates, l’hyperpuissance américaine adopte une approche sélective. En Afghanistan ou dans le conflit israélo-palestinien, les États-Unis ont opté pour l’unilatéralisme. Dans la crise coréenne, ils sont obligés d’associer la Chine. Sur les autres dossiers (Iran, désarmement nucléaire, régulation financière), les partenariats sont plus larges mais repose toujours sur une forte sélectivité des partenaires. « Autant de multilatéralisme que possible, autant d’unilatéralisme que nécessaire » : la formule n’est pas neuve et avait été forgée par Madeleine Albright.



Et l’Europe ? Elle n’est pas un problème pour Barack Obama qui a plus d’égard avec elle que n’en avait George W Bush. Mais, tant qu’elle ne proposera pas de solutions, elle ne l’intéressera guère.
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Le monde selon Obama

Intéressante analyse de la politique de l'ancien président des États-Unis, qui permet de relativiser et de mieux comprendre ses agissements réels au-delà du capital sympathie dont il a souvent été crédité. J'ai toutefois regretté l'absence d'informations voire de mentions de sa politique vis-à-vis de l'Amérique du Sud, et particulièrement de son ouverture envers par exemple les présidents vénézuélien et cubain.
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La norme sans la force : L'énigme de la puiss..

On parle parfois de l'Europe comme d'un "softpower" en opposition avec les Etats-Unis censés représentés le "hardpower". Quelle réalité peut-on donner à ces termes et comment les différencier ? L'auteur entreprend de démontrer que la mise en oeuvre d'une gouvernance par les normes est effectivement une caractéristique de l'Union européenne, inhérente à sa forme d'organisation : partageant les souverainetés sans les abolir, la norme est un instrument de convergence des politiques nationales que l'Union utilise au-delà de ses Etats-membres dans le jeu des rapports internationaux. L'auteur caractérise l'objet privilégié de ces normes, et en évalue l'efficacité. En notant que les Etats-Unis sont peu enclin à y souscrire, il en déduit une préférence pour un modèle de puissance différent pour ce pays qui confirme donc la particularité européenne.



Le livre est très documenté et s'appuie sur les accords internationaux et les chiffres du commerce mondial pour en déduire les différentes voie politiques adoptées par l'Union européenne et les Etats-Unis principalement. Outre les précisions apportées aux définitions vagues d'Etat-puissance et de softpower, il contribue aussi à revoir les connotations de naïveté et de faiblesse qui accompagnent souvent ce dernier terme. Enfin, il remet encore en cause un préjugé d'objectivité de l'UE en faveur, comme pour tout ensemble politique, d'une défense d'intérêts particuliers. Il en ressort une meilleure compréhension des modes d'intégration de l'Union européenne dans le monde (commerce, normes sociales et environnementales, industrie...), souvent mis en relief à contre-pied des analyses attendues.
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